L’élection
présidentielle en cours ressemble à un match de rugby acharné. Les joueurs se
plaquent, se taclent, s’étripent en mêlée, se déchirent les maillots,
s’échangent des mauvais coups. Les arbitres courent dans tous les sens,
interpellent les joueurs, leur distribuent des pénalités, les expulsent du
terrain. Le public siffle abondamment les joueurs dont ils n’apprécient pas le
comportement et envoient régulièrement l’arbitre dans un petit coin où il devrait
retrouver un peu d’intimité. Bref, tout est normal, c’est un match de Rugby. À
une seule différence essentielle: il n’y a pas de ballon! Pourtant tout le
monde continue à se castagner sans se préoccuper du référent bondissant.
C’est exactement ce
qui se passe avec la campagne présidentielle. Les joueurs ce sont les
candidats, les arbitres les juges et ceux qui sifflent sont le public et les
médias et il n’y a pas plus de programmes dans la campagne que de ballon sur le
terrain.
On n’a jamais vu une
telle campagne électorale.
Le président sortant
et rééligible, renonce à se présenter. Lui que l’on voyait partout, qui donnait
un avis sur tout, qui ne ratait pas la plus petite célébration et qui
multipliait les fines allusions à son entrée en campagne, a totalement disparu
de paysage. Il boude, ou il fait ses bagages…
Le candidat de
droite issu de la primaire est entré dans une tempête qui a complétement cannibalisé
la campagne électorale, la sienne bien entendu, mais aussi celle de autres. On
l’attendait sur le chômage, les déficits, le sauvetage de la sécurité sociale,
le terrorisme, enfin tous les sujets dont dépend l’avenir des français mais non,
il fait des additions sur ce que sa femme et ses deux enfants ont perçu en tant
que collaborateurs ou assistant (la différence est importante) et sur la
manière dont on juge la matérialité et l’utilité des services rendus. Faire
profiter sa famille de sa position est-ce grave ou très grave ? Est un
problème juridique ou moral ? Et chacun d’y aller de son interprétation.
Pendant ce temps il
se passe quelque chose de plus grave, bien au-delà du cas Fillon, qui met en
cause le principe de base de notre démocratie la séparation des pouvoirs. Or,
on voit tout d’un coup le parquet financier, dont certains mettent en cause l’indépendance politique, s’autosaisir
d’une enquête contre un député, de surcroît le favori à l’élection
présidentielle, procéder à des perquisitions à l’assemblée nationale, demander
à un député de justifier ce sur quoi a travaillé son collaborateur.
En faisant cela c’est
le pouvoir législatif qu’il juge puisque, en démocratie, c’est l’assemblée et son bureau qui seuls sont compétents pour
juger du comportement des élus. La meilleure preuve vient d’être donnée par le
nième épisode dévoilé ce matin par le "canard" : le versement d’indemnités
de licenciement Mme Fillon lorsque elle a été licenciée par son mari et par le
suppléant de ce dernier. Or qui a calculé et payé ces indemnités ? Les
services de l’assemblée ! L’aurait-elle fait en contradiction avec le
droit ? Le pouvoir judiciaire va-t-il mettre en examen le pouvoir législatif ?
Absurde et sacrément inquiétant. Au même moment, dans une autre affaire
concernant Nicolas Sarkozy cette fois, on apprend qu’il est renvoyé devant le
Tribunal correctionnel par un juge d’instruction alors qu’ils sont deux
à instruire l’affaire conjointement, le second considérant qu’il n’y a pas lieu
à renvoi devant le tribunal. Ubuesque !
Qu’il n’y ait pas de
malentendu, il ne s’agit pas ici de défense juridique des personnes en cause et
encore moins morale. Nous avons déjà dit ce que nous en pensions. Ce qui nous
parait très grave c’est la guerre que sont en train de se livrer la justice et les politiques. Cela ne peut que nuire à la démocratie et pourrait mal se terminer.
Continuons sur les
dérives de campagne. La cote de Fillon ayant reculée dans les sondages, c’est
désormais Marine Le Pen qui est la grande favorite, devançant tous les autres.
Pourtant elle n’est pas épargnée et les procédures judiciaires s’accumulent au
niveau européen et français. 23 assistants eurodéputés FN (dont le père et la
fille !), qui figurent pour un grand nombre d'entre eux à des postes
officiels dans l'organigramme du parti, travailleraient essentiellement pour le Front national tout en
étant rémunérés par le budget européen. Le parlement européen demande le
remboursement de sommes qui atteindraient plusieurs millions et tandis qu’une information
judiciaire a été ouverte à Paris en décembre dernier pour abus de confiance et
recel, escroqueries en bande organisée, faux et usage de faux et travail
dissimulé. Pas mal !
Une autre enquête
judiciaire a été ouverte pour déterminer si des responsables de "Jeanne",
le « micro parti » de Marine Le Pen, et de Riwal, le principal prestataire de
services du FN, ont mis en place un système frauduleux au détriment de l’État lors
de la présidentielle de 2012.
Cela fait-il la une
des journaux, écrits et télévisés ? Non. Marine Le Pen baisse-t-elle dans
les sondages ? Non, elle monte alors qu’elle a prévenu que ce ne serait
une éventuelle mise en examen qui l’empêcherait de se présenter à l’élection.
Donc l’affaire
Fillon est grave pour la démocratie parce qu’elle fait le jeu du FN mais
personne n’entend le bruit des casseroles que le FN traine derrière lui ?
Ce n’est pas possible, il y a un truc. Ou alors est-ce simplement que la bataille
qui se livre est pour la seconde place, et que Le Pen, on verra au second tour ?
Dangereuse tactique !
Le N°2 justement, c’est
Emmanuel Macron qui n’en finit pas de monter dans les sondages et qui commence
à inquiéter. On l’a cherché sur des frais de représentation du temps où il
était à Bercy et qu’il aurait utilisés pour lancer son mouvement. Apparemment,
ça a fait pschitt, peut-être parce que le parquet financier a trop de travail ?
Alors on a utilisé contre lui l’arme la plus terrible de la politique, la
rumeur. On peut en parler aujourd’hui puisque c’est lui-même qui a cherché à
lui tordre le cou, avec beaucoup d’humour il faut le reconnaître : « celles
et ceux qui voudraient faire courir l'idée que je suis duplice, que j'ai des
vies cachées ou autre chose … D'abord, c'est désagréable pour Brigitte … mais
je vous rassure, comme elle partage tout de ma vie, du soir au matin, elle se
demande simplement comment physiquement je pourrais …ou alors, c'est mon
hologramme qui soudain m'a échappé mais ça ne peut pas être moi! ». N’empêche,
cette présidentielle est un vrai révélateur à salopards !
Du coup, tous ces
sujets sont si intéressants qu’il ne reste plus de temps ni de place pour parler
de la lutte à mort qui se livre à gauche entre Hamon le socialiste utopiste, et
Mélenchon l’hologramme marxiste. Ah, si l’on pouvait trouver qu’ils ont une vie
cachée ces deux-là, on pourrait les marier. Mais marier l’eau et le feu, ce n’est
pas gagné.
On gardera tout de
même une petite place pour eux, des fois qu’il y ait un espace. On ne va tout de même pas courir le risque de voir la politique, la vraie, faire
irruption dans la campagne !
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