Maintenant, c’est
officiel : Macron n’est ni de droite, ni de gauche, il est de Hollande. On
avait bien compris qu’il ne manquait aucune occasion de marquer son respect au
président et qu’il s’abstenait de critiquer son bilan (c’est bien normal vu qu’il
a été son plus proche collaborateur depuis six ans, responsable de son
programme de candidat, son conseiller à l’Élysée, son ministre de l’économie).
On a vu de nombreux soutiens de Hollande se prononcer
en faveur de Macron, personnalités médiatiques, tels Pierre Bergé ou Daniel
Cohn-Bendit ainsi que parlementaires socialistes importants comme Christophe
Caresche. Le petit jeu de séduction de Ségolène Royal ne nous a pas échappé non
plus même si elle n’a pas encore conclu. Mais jusqu’à présent il s’agissait de
soutiens à titre individuel et aucune critique n’était prononcée contre le
candidat officiel du parti socialiste. Le premier cercle des éléphants
hollandais ne bougeait pas une oreille et laissait dire. Jusqu’à présent…
Ce matin Jean-Marie
Le Guen, un baron socialiste très proche de Manuel Valls, ministre du
gouvernement, a annoncé qu’il n’était pas question de soutenir le candidat
officiel du PS pour la présidentielle. Il a déclaré sur RTL : « Dans
l'état actuel des choses, moi et des dizaines et des dizaines d'autres
parlementaires, nous ne pouvons pas donner notre parrainage à Hamon… Il faut
qu'il rectifie l'orientation de sa campagne, il ne peut pas s'adresser
simplement à 20% des Français qui sont sensibles à des thèmes d'une gauche
radicalisée. On est dans une élection présidentielle, il est le candidat d'un
parti de gouvernement, nous ne sommes pas un parti altermondialiste là pour
mener la contestation sociale. Le Parti socialiste, c'est une gauche de
responsabilités qui a vocation à gouverner la France sur une base réformiste,
pas sur une base de rupture. »
Ça y est la voie est
ouverte au ralliement des ministres et députés qui avaient soutenu Valls et combattu
les frondeurs dont Hamon est le digne représentant. Il ne s’agit plus de choix
individuels, mais du début d’un schisme au parti socialiste entre les
réformateurs et les tenants d'une gauche radicale. Au PS, le sujet n’est plus l’élection
présidentielle. Depuis la confirmation que Hamon et Mélenchon ne s’allieront
pas, la défaite des candidats étiquetés de gauche est acquise. Le vrai combat
qui se mène est donc celui de la recomposition de la gauche.
Qui reprendra le PS ?
Les vallsistes ou les hamonistes ? À moins que ce ne soit Macron
lui-même ? Dans tous les cas de figure la gauche française sera morcelée entre trois courants : social-libéral (Macron et centristes de gauche), social-démocrate
(PS-tendance Valls) et la gauche radicale (Hamonistes, Mélenchonistes, et communistes). Nous ne serons pas le seul pays dans ce cas, rien qu’autour de
nous la gauche connaît de graves divisions en Angleterre, en Espagne, en Allemagne.
On pourrait presque
en sourire, tant la gauche est coutumière de ces divisions qui resurgissent périodiquement, sauf qu’en France les conséquences sur les élections à venir
peuvent être graves au plan institutionnel.
Imaginons que Macron
soit élu. Quelle majorité aurait-il pour gouverner ? Ce n’est pas lui
faire injure que de dire qu’il devrait son élection à sa (bonne) mine. Comment croire
qu’il se trouvera chez les candidats "En marche" 300 Macrons ? C’est
pourtant le nombre de députés qu’il faut pour assurer une majorité fidèle, sans
frondeurs. Il y aura bien quelques MODEM mais on ne tardera pas à mesurer l’écart
existant entre eux et les partisans de Macron. Déjà, Bayrou s’est désolidarisé
des propos de Macron sur la colonisation, crime contre l’humanité, sur l’absence
de culture française et sur son appétence à la haute finance. On peut être assuré
que les relations avec son jeune rival ne seraient pas de tout repos. Et sauf à
imaginer un vaste embrassons-nous Folleville au lendemain de la présidentielle,
il y aura des candidats socialistes dont certains auront rallié Macron, d’autres
restés fidèles au courant vallsiste, d’autres enfin partageant les idées de
Hamon. Et il ne faut pas oublier les députés écologistes que le PS a promis à Jadot pour constituer leur propre groupe. Foutoir assuré, bon courage ! Même si tout ce beau monde faisait une
majorité arithmétique, cela ne ferait sûrement pas une majorité politique. Il y
aurait du "49.3" dans l’air et le risque d'une dissolution.
Il y a, en réalité,
une autre hypothèse : que la droite remporte les élections législatives.
Si elle perdait la présidentielle ce serait parce que son candidat n’aurait pas
mobilisé son camp et non parce que la France aurait subitement viré à gauche.
Beaucoup d’électeurs de droite ayant voté Macron, les partisans de Juppé
par exemple, ou même de Sarkozy, retourneraient sans doute au bercail et voteraient pour un député de droite ou du centre droit, tandis qu’en face il faut s’attendre à de nombreuses
candidatures dissidentes et des triangulaires, voire des quadrangulaires (ce qui pourrait tout aussi bien favoriser le FN).
Nous sommes en
période de surprises. La plus grande en France pourrait être un gouvernement de
coalition et même de cohabitation dès le début de mandat ! Du jamais vu.
Un gouvernent choisi par le peuple pour mettre en œuvre un programme contraire
à celui du président qu’il vient d’élire ? Après tout, puisqu’il n’est ni
de droite ni de gauche…
Il faudra bien qu’à
un moment Macron ôte son masque ! Mais comme disait le cardinal de Retz :
« On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. »
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