On
sait maintenant que le Brexit s’est joué sur un gros mensonge : la
Grande-Bretagne verse 350 millions de livres Sterling chaque semaine à l'Union
européenne ! Nigel Farage, leader de UKIP, parti souverainiste pro-Brexit,
celui qui joué le rôle décisif dans le vote des britanniques, a lui-même
reconnu "qu’il s’agissait d’une erreur". Scandaleuse escroquerie, plutôt !
Jeudi
soir lors de l’"Émission politique" sur France 2 Madame Le Pen a enfilé inexactitudes et mensonges
sans que cela ne soulève la moindre réaction de personne ni pendant ni après. Nous
avons donc eu l’illustration du talent politique et de l’art du mensonge de
Marine Le Pen mais aussi de l’incompétence et de l’ignorance des journalistes
interviewers qui se sont fait balader sans jamais être capables de dire le vrai
face aux bobards. La trouille ou l’absence de travail ? En général, ils
n’ont pas la courtoisie élémentaire de laisser leur invité répondre à la
question posée. Avec Le Pen, on aurait dit des poules tétanisées devant le renard.
Nous nous concentrerons sur un seul sujet et ses
trois mensonges.
Le
sujet est l’Europe. Pour faire simple, Madame Le Pen nous explique qu’il n’y a aucun
risque pour les français et que la France a tout à gagner d’un Frexit. Quand un
sujet est complexe, on peut dire n’importe quoi sans grand risque d’être
contredit. Prenons trois exemples.
1/ Puisque les français sont débiles on va
faire simple et commencer par le coup de la baguette. La France abandonne l’euro
et le remplace par le nouveau franc. Un euro = un franc ; le français qui
achète sa baguette ne se rend compte de rien : la baguette qui coûtait un
euro coûte un franc. Mensonge ! Le jour du changement de monnaie, le
nouveau franc aura déjà commencé à perdre de sa valeur. De
combien sera-t-il dévalué ? Les marchés
le diront mais la baisse du franc sera un processus continu. Le prix de
la baguette va donc commencer à augmenter : la farine, même produite en
France mais dont le prix dépend des cours en dollar sur le marché mondial, va
augmenter, comme l’énergie dont la boulangerie est grosse consommatrice. Évidemment,
ces hausses seront répercutées sur le prix de la baguette. Mais l’exemple est
habile car 50% du prix du pain proviennent des frais de personnel. Les salariés
sont payés en franc et il n’y aura donc pas de répercussion immédiate à la
hausse qui devrait rester limitée. C’est oublier l’inflation qui accompagnera
nécessairement la dévaluation et que des ajustements de salaires auront lieu.
Mais, même avant inflation des salaires, dont nous reparlerons plus loin, le
pain coûtera plus qu’un franc dès le lendemain puisque la farine et l’énergie
auront augmenté. Sauf à bloquer les prix ! Faut le dire, alors.
2/Les personnes âgées ne se rendront compte
de rien, non pas parce qu’elles sont gâteuses mais parce qu’on va leur raconter
des bobards. Écoutons Marine Le Pen, quand elle nous dit que l’euro a perdu ces
dernières années 30% de sa valeur par rapport au dollar et que cela n’a rien
changé pour les épargnants. Sans doute et d’ailleurs il est revenu au même
niveau qu’à sa création. Mais la bonne question est : si l’euro perd 30%
vis-à-vis de toutes les monnaies, est-ce que cela changera quelque chose (c’est
d’ailleurs ce qui se passerait avec madame Le Pen) ? Évidemment oui,
puisque c’est son pouvoir d’achat qui aura baissé d’autant. L’exemple ci-dessous
de notre téléviseur le démontre bien. Cela est tout aussi vrai pour des achats
en francs avec l’inflation qui rognera votre capital. Si vous répondez non, cela
signifie que vous n’avez pas l’intention d’utiliser un jour votre argent. L’État
aura donc raison de vous confisquer tous vos avoirs puisque vous ne vous en
rendrez pas compte…
3/La dette de la France. Elle est libellée en
euro. Quand il va falloir la payer avec nos francs dévalués cela va couter
bonbon ! 2.200 milliards, disons 20% de évaluation du franc et la facture
augmente de 440 milliards ! Heureusement que Marine s’est offert un
énarque, le brillantissime Floriant Philippot qui a un argument
imparable : « «Vous ne connaissez pas votre droit international. Il y
a une "lex monetae, une loi de la monnaie. Aujourd'hui, 85% de la dette
publique est libellée en contrats de droit français. L'augmentation de la dette
sera donc minime, de l'ordre de trois points de PIB.» "Lex monetae",
l’expression plait tellement à Marine qu’elle l’a répétée trois fois. Cela veut
dire qu’un pays peut changer sa monnaie à sa guise et que cela s’impose aux
créanciers. Nous créanciers qui avaient prêté en euros solides et trébuchants se
retrouveront avec des francs dévalués. Trop malin ? L’Argentine a tenté le coup, elle a été
trainée devant les tribunaux internationaux par des fonds de pensions qui ignoraient
le latin. Elle a perdu tout crédit et a fini par se coucher. Elle s’est ruinée.
Il faut dire qu’elle a l’habitude, elle fait le coup tous les 20 ans et le
peuple a une longue expérience de la misère.
Mais
il y a pire, quoi qu’il advienne du capital de la dette et même si l’on arrive
à négocier avec les créanciers, la France aura toujours besoin d’emprunter et
les préteurs qui ne sont pas des gamins répercuteront dans le taux d’intérêt le
capital perdu (et il ne faudra plus compter sur la générosité de la BCE). Du
coup, le service de la dette, c’est-à-dire le paiement des seuls intérêts,
premier poste de dépenses du budget public, augmenterait chaque année dans des
proportions considérables (1). Et puis, il n’y pas que l’État qui est endetté,
le secteur privé l’est également dans les mêmes proprtions,
croyez-vous qu’il pourra changer sa dette en franc ?
Nous avons réservé le pire pour la fin :
l’inflation. Sujet complexe mais que l’on peut simplifier : en perspective
de la prochaine coupe du monde de football vous avez décidé de vous offrir une grande
télé à écran plat. Vous avez prévu de dépenser 2.000 euros que, sagement vous
avez placés sur un Livret d’Épargne. Mais voilà que le FN arrive au pouvoir et
applique sa politique. Avec un euro dévalué et en plus quelques droits de
douanes pour protéger le made in France, vos 2.000 euros valent désormais 2.000
francs mais l’appareil que vous convoitiez coûte maintenant 3.000 francs.
Acheter une télé fabriquée en France, avec des composants français ? Ça n’existe
pas, il faut donc l’importer et la payer en devises non dévaluées. Vous pourrez
toujours, comme dans les pays pauvres, regarder les matchs derrière les
vitrines des grands magasins. Bof ! La France sera rapidement éliminée.
Vous
aurez alors compris que c’est votre niveau de vie qui est atteint et vous ne
vous laisserez pas faire. Vous multiplierez les grèves pour obtenir une
revalorisation des salaires que le pouvoir et les patrons ne pourront vous
refuser. Relance de l’inflation, cycle vicieux ! Si vous êtes trop jeune,
relisez les livres d’histoire sur la période qui a précédé l’euro.
L’inflation, c’est la plaie. Elle rabaisse le
pouvoir d’achat des salariés, renchérit le coût des produits étrangers (la
France importe 60% des produits manufacturés qu’elle consomme), rogne les
économies des plus modestes (parce que les riches ont depuis longtemps protégé
leurs avoirs contre les fluctuations monétaires). En plus, c’est une spirale
sans fin : l’inflation pousse les taux d’intérêt à la hausse, accélère la
dévaluation de la monnaie qui relance l’inflation. Il y en a à qui cela rappellera quelques souvenirs …
Certains ne croiront pas à ce scénario catastrophe. Nous leur posons
alors une question : vous avez des économies, disons 50.000 euros, placés
sur un compte d’épargne, un Livret A, par exemple, peu importe. Vos 50.000
euros valent 50.000 francs le premier jour, puis 45.000 F, puis 40.000F et
ainsi de suite…Si vous avez une assurance vie, ce sera pire car vous aurez non
seulement la dévaluation de la monnaie mais aussi une perte en capital. On
sait, en effet que les assurances-vie sont majoritairement investies en
obligations et que plus les taux d’intérêt montent, plus la valeur d’une
obligation baisse. L’État sera contraint soit de bloquer les fonds pour éviter
la ruée pour les retraits, soit de les amputer d’une partie de leur montant,
soit les deux (c’est ce que qui est arrivé à Chypre). Que faites-vous ?
Vous retirez vos fonds à temps de la banque, avant que la fée Le Pen n’arrive, ou
vous sacrifiez vos économies par solidarité nationale ?
Ou
vous ne votez pas Marine Le Pen…
Bien entendu, l’économie est bien plus
compliquée que l’exercice auquel nous nous sommes livrés, certains raisonnements
sont probablement contestables et les chiffres cités incertains. Mais bon sang,
pourquoi personne, jamais, nulle part, ne parle de ces questions aux français..
Sans doute est-il trop difficile d’avoir ce débat compliqué entre des gens
qu’aucun mensonge ne rebute et des
français que l’on prend pour incapables de comprendre. Attendons donc que Le
Front national arrive au pouvoir, ils comprendront tout de suite ! Mais
trop tard …
(1)L'Agence
France Trésor chiffre l'impact budgétaire d'une hausse de 1% sur l'ensemble des
taux relatifs à la dette de l'État à 2,2 milliards d'euros la première année,
puis 5 milliards la deuxième et 10 milliards au bout de 5 ans.
Christian Noyer, l’ex-gouverneur de la banque
de France avait calculé en 2015 qu’une
hausse permanente des taux de 1 point sur l'ensemble des maturités de la dette
en 2015, c'est-à-dire sur toutes les durées d'emprunt, "coûterait 40
milliards d'euros aux finances publiques". Pour une hausse d’un petit
point.
Lors de la crise de l’euro, l’Italie et
l’Espagne devaient payer un taux d’intérêt de l’ordre de 5.5% soit plus de
points que ce que la France paye aujourd’hui (nous ne parlons pas de la Grèce :
22% !). Pas grave, dirait Le Pen, on les paiera en nouveau franc qui ne
vaudra plus que quelques haricots.
Imaginons que nous sortions de l’euro et
perdions donc les financements plus qu’avantageux de la BCE tandis que nous
serions en contentieux avec nos créanciers, ce sont bien ces taux-là qu’il
faudrait payer, soit 40 milliard par an en rythme de croisière et 160 milliards
sur la dette actuelle jusqu'à son échéance !
(2) Mais c’est sans compter sur l’ingéniosité
de l’État qui a une arme pour empêcher la fuite de capitaux : le contrôle
des changes qui a perduré en France jusqu’en 1985, date de la création de
l’ECU, ancêtre de l’Euro et dont l’objectif était d’assurer la stabilité des
cours des monnaies européenne grâce à un politique concertée des taux
d’intérêt. Le système disparaîtra avec la création de la zone euro, sa monnaie
unique et la liberté de circulation des capitaux. Jour de liberté ! Avec
le contrôle des changes, l’État limite l’achat des divises au strict nécessaire
pour payer des importations indispensables ou permettre l’obtention d’un volume
limité de devises à l’occasion d’un voyage à l’étranger. Tout achat de divises
doit être limité et justifié. Il est d’interdire de détenir des devises à
l’étranger soit qu’elles proviennent des exportations soit qu’il s’agisse
d’avoirs détenus par les entreprises et les particuliers. Dans ce cas-là
Marine, tu devras fermer ton compte à Zurich et rapatrier les fonds. Ou ne pas
le déclarer mais la condamnation risque d’être sévère… Maintenant si tu as une
grosse lessiveuse à Montretout, c’est là que jadis on cachait les gros billets.
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