Que Marine Le Pen et le FN veuillent la fin de l’euro et de l’Europe
cela ne fait aucun doute. S’agissant de Hamon, le projet est plus pervers. De
même qu’il y a plusieurs façons de noyer son chien, il y a plusieurs moyens de tuer
l’Europe.
Le Pen a choisi la violence : réintroduire une monnaie nationale,
le Nouveau Franc. Ce qu’elle ne dit pas c’est que revenir à sa monnaie d’avant
l’euro, c’est sortir de la zone euro. Or on ne peut pas sortir de l’Euro sans sortir de l’Europe. C’est l’un et l’autre. La Grande-Bretagne, qui
ne fait pas partie de la zone euro a décidé de sortir de l’Europe et elle
découvre combien cela va être compliqué et prendre du temps.
La tactique de Hamon consiste à exiger des choses impossibles : l’annulation
des dettes contractées par les pays membres les plus endettés, détenues par
les états membres de l’UE. Pas besoin de faire un dessin, l’Allemagne, les
Pays-Bas, les états scandinaves, les pays de l’est, qui sont peu endettés,
paieront la dette de la Grèce, de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal et bien
entendu de la France, qui ont une dette excessive. En contrepartie de
quoi ? La mutualisation de la nouvelle dette européenne. C'est-à-dire que
les pays qui ont fait défaut (parce qu’une remise de dette signifie que l’on a
fait défaut) et qui seront pour cela immédiatement et sévèrement dégradés par
les agences de notation ne pourront plus emprunter ou alors à des conditions
insupportables. Mutualiser signifie que la dette européenne, c'est-à-dire
que les futurs emprunts de la France, notamment, seront garantis par l’Allemagne (et les autres états accessoirement) ce qui ouvrira le robinet de la dette à des conditions encore meilleures qu'aujourd'hui .
Mais ce n’est pas tout, les statuts de la BCE devront être modifiés pour lui
permettre de refinancer directement les états. On pourra alors dépenser sans
limites, c’est la raison pour laquelle Hamon demande un moratoire du pacte de
stabilité, qu’il n’a jamais pardonné à Hollande d’avoir signé, afin d’en
concevoir un nouveau plus souple sur les règles de déficits. C'est vrai, pourquoi limiter
les dépenses publiques puisque ce sont les autres qui paieront notre
dette ?
Nous avions comparé Hamon au père Noël mais il s’agissait des cadeaux
promis aux français. Vis-à-vis de l’Europe ce serait plutôt le ravi de la
crèche. Croit-il vraiment qu’avec de telles idées, il va faire battre le cœur de
nos amis européens, à part bien sûr les méditerranéens ? Comme si l’union des
faibles faisait la force !
Croit-il que nous soyons revenus au temps de "l’Allemagne
paiera". S’il y croit c’est inquiétant pour sa santé mentale, s’il n’y
croit pas c’est grave pour la France. Que fera-t-il, en effet, après les baffes
qu’il ne manquera pas de recevoir, se coucher comme Hollande en 2012 ou claquer
la porte ? Parce qu’avec tous les cadeaux annoncés et les dizaines, voire centaines, de
milliards promis, la France va faire exploser les règles de Maastricht et elle
subira le même sort que la Grèce. Seulement la France n’est pas la Grèce et sa
défaillance mettra en péril la zone euro toute entière et donc l’Europe. Voilà
comment Hamon, se fait l’allié objectif du FN dans la déconstruction de l'Europe.
Mais l’entreprise de démolition ne s’arrête pas là. Après le père noël et
le ravi de la crèche voici le roi mage. Un grand expert mondial, qui est à
l’économie ce que Marc Lévy est à la littérature, apporte un magnifique cadeau.
Hélas, ce n’est pas de l’or dont nous aurions grand besoin, ni de l’encens
qu’il réserve à son propre usage, ni de la myrrhe cette gomme-résine qui nous serait
bien utile pour effacer la dette. Non, il amène ce qu’il sait faire, et vend fort
cher, bien que personne, jusqu’à présent, ne se soit porté acquéreur : une
idée !
Pour une idée, c’est une sacrée idée : comme il a compris que
les projets de son maître étaient fumeux, qu’il n’avait d’autre perspective
auprès de Bruxelles que le ridicule, qu’il avait donc perdu le match avant même
qu’il ne débute, Piketty a convaincu Hamon qu’il fallait commencer par changer
les règles et les modes de gouvernance de l'Europe.
Il faut suivre "l'idée" avec attention car elle le mérite.
Il propose "un gouvernement démocratique" remplaçant le Conseil
européen (c'est l’institution européenne réunissant les chefs d’États et de
gouvernements des États membres) par une "assemblée de la
zone euro", constituée de 100 à 150 membres, issus des parlements
nationaux, selon le poids démographique (jusqu'à présent le critère était le PIB!) de chaque pays. Toutes les sensibilités
des parlements nationaux seraient aussi représentées. Cela donnerait une
trentaine de députés pour l'Allemagne et environ 25 pour la France. Un ministre
des Finances qui devrait obtenir la majorité de ces parlementaires serait
ensuite nommé pour mener la politique globale. Il pourra alors réellement être question d'une renégociation des dettes voire d'un effacement,
d'une harmonisation fiscale ou d'une discussion sur les excédents commerciaux
de l'Allemagne.
Cette dernière ne risque-t-elle pas de s'opposer à cette révolution qui mettrait à mal son leadership ? "L'Allemagne ne peut pas dire non à la démocratie parlementaire car l'Allemagne repose sur cette démocratie" prophétise le magicien. Bien sûr qu’elle dira nein et pas seulement pour une raison de leadership (on ne voit pas d’ailleurs en quoi cela nuirait à son leadership puisqu'il est encore plus fort dans la zone euro) mais parce c’est totalement absurde.
Créer une nouvelle assemblée avec des députés qui n’ont pas été élus pour cela ? Les choisir dans les parlements nationaux et non pas au parlement européen parmi les députés élus dans les pays de la zone euro, qui seraient plus légitimes ? Un ministre des finances pour la seule zone euro alors qu’il est censé mener une politique globale ? Traiter dans cette assemblée limitée à la zone euro les questions d’excédents commerciaux et de fiscalité qui concerne l'Europe tout entière ? Ma parole il veut sortir la zone euro de l’Europe !
Cette dernière ne risque-t-elle pas de s'opposer à cette révolution qui mettrait à mal son leadership ? "L'Allemagne ne peut pas dire non à la démocratie parlementaire car l'Allemagne repose sur cette démocratie" prophétise le magicien. Bien sûr qu’elle dira nein et pas seulement pour une raison de leadership (on ne voit pas d’ailleurs en quoi cela nuirait à son leadership puisqu'il est encore plus fort dans la zone euro) mais parce c’est totalement absurde.
Créer une nouvelle assemblée avec des députés qui n’ont pas été élus pour cela ? Les choisir dans les parlements nationaux et non pas au parlement européen parmi les députés élus dans les pays de la zone euro, qui seraient plus légitimes ? Un ministre des finances pour la seule zone euro alors qu’il est censé mener une politique globale ? Traiter dans cette assemblée limitée à la zone euro les questions d’excédents commerciaux et de fiscalité qui concerne l'Europe tout entière ? Ma parole il veut sortir la zone euro de l’Europe !
Piketty sait bien qu'il faudra en passer par un nouveau traité pour mettre en place
cette assemblée de la zone euro. Mais qui dit nouveau traité dit unanimité de
tous les pays, ce qui sera très compliqué à mettre en œuvre et tout simplement impossible pour de telles
réformes.
Sauf si les règles changent. "Il ne faut pas que ceux qui ne veulent pas rentrer dans ce traité puissent le torpiller". Alors comment faire ? "Il faut une règle disant que dès lors que des pays représentant 80% de la population ou du PIB (tiens, il revient au PIB ?) de la zone euro ont ratifié, ça entre en vigueur".
Ok, mais comment fait-on pour changer les règles ? Pas d’autre solution que de suivre la procédure imposée par le traité et donc de changer les règles qui permettent de changer les règles… À commencer par celles qui imposent l’unanimité des états membres mais il faut un accord à l’unanimité pour cela ! (1)
Sauf si les règles changent. "Il ne faut pas que ceux qui ne veulent pas rentrer dans ce traité puissent le torpiller". Alors comment faire ? "Il faut une règle disant que dès lors que des pays représentant 80% de la population ou du PIB (tiens, il revient au PIB ?) de la zone euro ont ratifié, ça entre en vigueur".
Ok, mais comment fait-on pour changer les règles ? Pas d’autre solution que de suivre la procédure imposée par le traité et donc de changer les règles qui permettent de changer les règles… À commencer par celles qui imposent l’unanimité des états membres mais il faut un accord à l’unanimité pour cela ! (1)
Comment
surmonter l’aporie de Piketty ? C’est simple, par une tautologie : "L'Allemagne
ne peut pas dire non à la démocratie parlementaire car l'Allemagne repose sur
cette démocratie". Un magicien on vous dit…
Avec de tels conseillers et les inévitables
conflits et divisions que susciteront les exigences de la France on va
tout droit vers la désintégration de l’Europe. Formidable ! La
Grande–Bretagne se prépare à deux ans de négociations de chiffonniers sur les
modalités de sa sortie de l’Europe et Mélenchon veut "sortir de tous
les traités européens"(2). Ils n’auront même pas à se donner cette peine, l’Europe
se sera fait sauter toute seule. Merci Hamon.
C’est vrai que les perturbateurs
endoctrinés sont dangereux !
(1) l’Article
48 du traité sur
l'Union européenne (version consolidée) prévoit qu’une "Conférence des représentants des gouvernements
des États membres doit arrêter d'un commun accord les modifications à apporter
aux traités qui n’entrent en vigueur qu’après avoir été ratifiées par tous les
États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives."
Donc il faut l’unanimité des états
membres sur la révision envisagée puis une ratification par tous les
états.
(2)Programme du candidat
Mélenchon : "C’est
pourquoi nous devons sortir des traités européens
qui nous font obligation
de mener des politiques d’austérité, sans action de l’État ni investissements
publics. Tout cela au prétexte d’une dette dont tout le monde sait qu’elle ne
peut être payée dans aucun pays. Notre indépendance d’action, la souveraineté
de nos décisions ne doivent donc plus être abandonnées aux obsessions
idéologiques de la Commission européenne ni à la superbe du gouvernement de
grande coalition de la droite et du PS en Allemagne."
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