On allait voir ce
que l’on allait voir. Les socialistes, après avoir conduit leurs éléphants au
cimetière, font monter la nouvelle garde, celle des quinquagénaires. Cinquante
ans, dans la vie politique française, c’est très jeune. Pourtant, ce ne sont
pas des perdreaux de l’année et ils en ont des heures de vol en politique ! Ce
qui explique leur impatience, ils n’en peuvent plus d’attendre…
Mais ils
auraient pu espérer des circonstances meilleures et leur équipe n’est pas au
mieux de sa forme. En cinq ans de pouvoir, la gauche a systématiquement perdu tout ce qu’elle avait
gagné dans l’opposition sous le quinquennat précédent : le sénat, la quasi-totalité
des régions, les 2/3 des départements et la grande majorité des villes et communautés de communes de
France. Il ne lui reste plus, pour quelques petits mois encore, que la présidence de la République et l’assemblée
nationale. Elle a aussi perdu une grande partie de ses supporters; alors, comme le veut la tradition, devant un tel échec, l’entraineur a été contraint de se retirer.
C’est dire si
les temps sont difficiles pour cette nouvelle génération qui arrive. Son échec ne sera
pas pardonné et ils vont tous jouer, dans les semaines qui viennent, rien moins que
leur avenir. Il leur faut donc gagner la primaire ou, au minimum, faire un score
suffisamment élevé pour espérer conserver une place honorable dans l’équipe future.
Encore faudrait-il pour cela que leur nouveau capitaine, au-delà d’une victoire
à la primaire, parvienne à franchir le premier tour de la présidentielle afin d'avoir une petite chance d’accéder à la finale et de remporter le trophée.
Autant dire que la barre est haute et que l’heure est grave.
Nous avons donc
suivi, hier au soir, avec la plus grande attention, le premier débat de la "Belle
alliance populaire" pour juger de la forme des candidats. Il faut toujours
se méfier de sa première impression, c’est souvent la bonne. Et notre
impression, à la fin des débats, pourrait se résumer en un mot : Ennui. Non pas par regret de ne pas avoir assisté au pugilat que l’on nous promettait, au
contraire. Mais à part Bennhamias qui n’avait pas pris ses calmants, les autres
étaient étrangement calmes et ont respecté une prudente réserve. Nous
attendions mieux sur le fond.
Voici, en tout cas, ce que nous avons retenu :
1/ Les téléspectateurs
ont été privés d’explications et de débats sur les principaux sujets. Déjà qu’il
n’y en avait pas beaucoup d'idées nouvelles ! Mais on a eu l’impression
que même ceux qui les ont mises en avant depuis qu’ils sont en campagne n’avaient
pas trop envie de les défendre de peur de s’attirer des critiques.
-Il en est ainsi du revenu universel, d’existence, minimum, décent. Comme disait Nicolas Boileau : " ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ".
Ce ne fut vraiment pas le cas. Personne ne sait si c’est additionnel aux autres
revenus, si cela inclut les autres allocations, si c’est pour tout le monde ou
sous condition de ressources. Ce sur quoi tout le monde a été d’accord est que
cela coûterait très cher bien que l’on en ignore le prix, entre 300 et 700
milliards (!), soit, chaque année, une fois ou deux fois le budget de la France. Une paille ! On
comprend que personne n’ait voulu rentrer dans les détails…
-C’en est fini de l’austérité (on se demande bien où s’était nichée l’austérité sous le règne de Hollande avec des dépenses publiques dont
le total n’a jamais baissé une seule fois sur les cinq ans !). Valls est le seul à défendre le bilan
économique mais, pour les autres, on passe sans le dire de la relance par l’offre à la croissance par la demande. De compétitivité on ne parle plus.
Les mots qui reviennent au premier plan sont "pouvoir d’achat" et "investissement".
Quant au CICE, toujours mal digéré par les principaux concurrents de Valls, il
a du souci à se faire au moins sur son montant, ses conditionnalités et ses
bénéficiaires. C’est malheureux pour une mesure dont le gouvernement est le plus fier.
-Cap sur la 6ème République. La 5ème n’a
pas vraiment réussi à la gauche qui a toujours perdu après avoir exercé le
pouvoir. C’est donc la faute de la constitution. Victoire posthume de Ségolène
Royal, avec l’unanimité sur le retour de la démocratie participative (Hamon en
particulier) : remplacement des sénateurs élus par 100 sénateurs tirés au
sort dans chaque département, vote obligatoire, parité totale,
décentralisation, reconnaissance du vote blanc, "49.3" citoyen (1% des électeurs
inscrits sur les listes électorales pourraient suspendre l’application d’une loi pour la soumettre à
référendum), proportionnelle intégrale dans les grandes régions…, chacun y va de
sa proposition et personne le contredit. À quoi bon, personne ne croit une
seconde à l’application de ces mesures.
2/Une seule question intéresse vraiment après chaque débat : y a-t-il eu un vainqueur et un perdant ? La
réponse n’est pas facile.
Il est clair qu’un peloton
de tête de trois coureurs se détache : Valls parce qu’il a évité de prendre
tous les coups, on lui a même rendu hommage sur certaines de ses actions. Du coup, sa stature de présidentiable est confortée. Montebourg a fait preuve de
retenue et a su défendre un programme précis et cohérent (nous n'avons pas dit réaliste), ce qui lui a permis, lui-aussi, de rentrer dans le clan des
présidentiables. Hamon a été bon bien qu’il ait déçu par manque de conviction
et d’assurance. Mais enfin, les trois sont assez proches l’un de l’autre et n’importe
lequel pourrait s’échapper lors des prochaines étapes.
Peillon reste un
mystère. On ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il souhaite vraiment. Il
ne parait pas totalement motivé ou croire en la victoire. Il ne se bat pas
vraiment sur un projet. En revanche, il est celui qui a la dent la plus dure
non seulement sur le bilan du quinquennat (qu'il qualifie de "profonde incompréhension, parfois injuste
mais profonde…") mais aussi, d’une façon plus général, sur sa famille socialiste : "il
n’y a plus de croissance, plus d’emplois, tu (à Hamon) vas taxer les robots ; c’est grave pour la gauche !" Il est contre le revenu universel ("400
milliards par an, ce n’est pas soutenable"), pour maintenir le CICE et il
veut "sortir d’une société d’héritiers pour arriver à une société du travail…" Si
certains ont comparé Bennhamias à Simplet, lui c’est Grincheux. Sur le terrain, il parait lâché par les hommes de tête.
Les trois derniers, Pinel, Bennhamias et de Rugy
jouent le rôle de porte-bidons, dont Valls est le patron, ce qui est injuste pour de
Rugy qui a fait preuve de bon sens et d’un grand réalisme ("quand l’Etat sort
son carnet de chèque, tôt ou tard, ce sont les classes moyennes qui sortent le
leur, pour payer de nouvelles taxes et de nouveaux impôts"). Mais lui, il est plutôt
de nuance de rose-vert !
Pour le prochain
débat, dimanche soir, ne faudrait-il remplacer le Lexomil par du Red Bull ?
Aucun commentaire:
Publier un commentaire