Au soir du premier débat de la précédente primaire
socialiste, le 15 septembre 2011, séduit
par la modernité et la détermination de Manuel Valls, nous écrivions :
« Un homme d’État est né !». Aujourd’hui nous
dirions : « Un homme politique est né ! »
Ce n’est pas une
vraie surprise. Certains lecteurs anciens de nos blogs se souviendront qu’après
la nomination de Manuel Valls à Matignon, le 8 avril 2014, nous avions naïvement considéré que
son accession à la tête du gouvernement marquait la fin de notre longue route sur le chemin de la rénovation du socialisme français.
Hollande, c’est sa
nature, n’avait pas été clair depuis sa prise de fonction et nous avions déjà compris
qu’il ne serait pas le sauveur que la gauche attendait. Il ne serait pas le
social-démocrate que réclamait la France mais plutôt l’éternel politicien à la
recherche de l’impossible synthèse au service de son propre destin.
Mais avec l’arrivée
de Manuel Valls à Matignon nous avons cru que nous étions enfin arrivés : la gauche moderne
allait s’affirmer et la France, après l’Allemagne de Schröder et la
Grande-Bretagne de Tony Blair, allait s’engager dans les grandes
réformes qui redresseraient notre pays.
Quelle ne fut pas
notre déception quand nous avons dû constater que ce n’était pas Hollande qui
allait faire du Valls mais Valls qui s'était mis à faire du Hollande !
Nous avons donc été contraint, quatre mois plus
tard, de reprendre notre ouvrage et de réactiver notre blog.
Les couples
résistent rarement à l’Élysée. Le dernier s’est conclu par un désastre :
pour la première fois depuis que les présidents de la République sont élus au
suffrage universel, le chef de l’État sortant est contraint de renoncer à
briguer un second mandat. Contraint par qui ? Par la très grande majorité
des français bien sûr, trompés et déçus, mais aussi par l’homme qui porta
l’estocade finale, notre Brutus du 49.3, Manuel Valls lui-même, qui faute
d’avoir su devenir l’homme d’État que l’on attendait a confirmé ses talents de
politicien.
Le pouvoir est une
tragédie. Inutile d'attendre longtemps pour en avoir l’illustration, un discours de candidature suffit.
Voici, avant tout commentaire, une déclaration de Valls :
« Si, jusqu’à très récemment, sa candidature s’imposait, sa mise à l’écart exige un sursaut.
La réalité, aujourd’hui, est que je ne trouve pas, dans le paysage de mes contemporains, celui ou celle qui s’imposerait comme le plus fidèle garant d’une gauche moderne, populaire, juste et crédible aux yeux de tous. C’est donc ce qui me pousse à reprendre ma marche en avant.
Les primaires qui vont s’ouvrir sont une opportunité exceptionnelle de remobiliser la gauche mais aussi, l’ensemble de la société française. C’est donc un immense
honneur pour moi d’y participer.
Depuis
deux ans, je sillonne le pays pour sonder ses attentes, ses aspirations,
recueillir ses angoisses mais aussi ses élans, ses initiatives et ses espoirs. J’ai
vu une France affaiblie et souvent meurtrie par les morsures de la crise et du
chômage. J’ai vu la souffrance des classes moyennes, des ouvriers et du monde
paysan, une jeunesse inquiète pour son avenir, des retraités précarisés. J’ai
vu des services publics fragilisés.
J’ai vu une France qui doutait parfois de ses
capacités de rebond, une France qui désespérait de ses responsables politiques
et économiques. Mais une France qui, malgré tout, continuait d’y croire,
parfois sans même savoir pourquoi, ni comment. Malgré ces incroyables
difficultés, j’ai été frappé par le refus de sombrer, le refus d’abandonner, le
refus de se laisser aller.
Aujourd’hui, je veux porter cette force, je
veux porter ces regards, ces voix qui disent
"non, qui disent "il faut que cela change", qui disent
"assez". »
Ainsi débutait le
discours par lequel Manuel Valls annonçait sa candidature à la primaire
socialiste le … 28 juin 2011 ! Deux petites corrections toutefois : à
la première ligne, il fallait lire "la mise à l’écart de Dominique Strauss-Kahn"
et tout à la fin de la dernière phrase il fallait rajouter "de Sarkozy".
Mais il aurait pu
utiliser exactement les mêmes termes lors de l’annonce, lundi dernier à Évry, de
sa candidature à la primaire de gauche pour la présidentielle de 2017. Sauf que
l’homme politique a, depuis, beaucoup appris en matière de duplicité.
Car il en faut du
culot quand on se souvient de tout ce qu’il a fait avaler à la gauche avec le
recours au 49.3 pour imposer les lois Macron et El Khomri, la déchéance de
nationalité, les Roms qui ont vocation à repartir en Roumanie, la demande faite
aux musulmans de prouver que leur religion est compatible avec les valeurs de
la République, etc., etc,… pour se présenter comme le candidat de la
réconciliation et du rassemblement des gauches, lui qui déclarait il y a peu
qu’il y avait en France deux gauches irréconciliables ! Du culot pour choisir comme slogan
"Faire gagner tout ce qui nous rassemble". Du culot pour faire l’éloge du
multiculturalisme. Du culot pour affirmer sans rire que : " La primaire
qui s’ouvre est un formidable moyen pour recréer l’unité ".
Mais il a retenu la
leçon des deux règles appliquées avec succès par Hollande pour gagner la dernière élection présidentielles : dire tout ce que veulent
entendre les gens de son camp et calomnier sans relâche ses adversaires. Du pur Hollande donc, sauf que lui a fait le chemin en
sens inverse. Néo-libéral lors de la précédente primaire, modernisateur d’un
parti socialiste archaïque dont il voulait changer le nom, favorable à la
suppression des 35 heures, à l’instauration d’une TVA "productivité",
à des quotas à l’immigration… tout ce dont la droite rêvait ! Aujourd’hui
il est de retour dans la vieille et grande famille dont il endosse les "valeurs".
Pour accéder au
trône, même quand on se croit le dauphin, il faut en effet, éliminer les autres prétendants. En piste, son
jeune demi-frère qui lui a piqué sa voie en se plaçant "ni à droite ni à
gauche", le contraignant ainsi à se rabattre sur le couloir de gauche.
Beau duel fratricide en perspective. Mais la famille est nombreuse et comporte bien
d’autres descendants, légitimes ou naturels, qui tentent de faire valoir leurs
droits à la couronne. En fait de duel, ce sera plutôt la foire d’empoigne.
Le souverain déchu
pourra se consoler en contemplant le repas des fauves auquel il aura échappé…
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