C’eût été une faute professionnelle que de ne pas rendre compte ici des
(dernières ?) confessions de Hollande. Surtout qu’en le faisant nous vous
permettons d’économiser 24,50 euros et d’éviter le pensum d’avoir à lire 672
pages pendant lesquelles Hollande, encore tout étonné d’être président de la
République, explique que l’on doit rendre hommage à son œuvre, à son courage, à
ses promesses tenues.
De
toute façon, s’il y a eu des erreurs, le problème n’est plus celui du bilan, il
s’agit maintenant d’éviter les abominations que préparent ceux qui veulent nous
remplacer. Remarquons au passage le premier raté du bouquin : avoir tout
misé sur l’anti-sarkozysme. Persuadé qu’il sera son adversaire à la
présidentielle, il l’abreuve tout du long d’injures et de vulgarités. Pas de bol,
selon son expression, il y a de fortes chances qu’il se retrouve en fait face à
Juppé qu’il a toujours ménagé…
Proprement stupéfiant ! Voila un homme qui pendant cinq ans aura
consacré près du tiers de son temps à se confesser auprès de quelques
journalistes bienveillants. Pas pour expliquer ce que fut sa politique, pas
pour exposer son programme s’il se représentait. Non, tel Narcisse, pour admirer
le reflet de son visage sur la surface du lac dans lequel il n’allait pas tarder à
se noyer.
Une litanie d’injures, des scènes d’alcôves, de secrets d’État, de
petites machinations, de grosses vacheries. Les deux journalistes du Monde (Gérard Davet et Fabrice Lhomme) qui
ont reçu ses confidences durant plus de 60 entretiens de plusieurs heures, sans compter les déjeuners
et dîners ont choisi ce titre : " Un président ne devrait pas dire ça…",
comme si le faire était normal et le dire, choquant ! Malaise est le mot qui
nous parait le plus approprié. Obsédé par son modèle, il aurait tant aimé être "Tonton
II"; il ne sera que "Tatie Danielle II"…
Cet ouvrage aura, au moins, apporté quelques éclaircissements sur le
personnage qui, comme Janus cette fois, possède un double visage. Une expression
révèle parfaitement son ambiguïté (quand c’est flou…) et son ambivalence (deux
comportements opposés sur le même sujet) : "En même temps…". C’est
sans doute la raison pour laquelle il choisit de parler à des journalistes et
non aux français : les premiers en font leurs choux gras, les seconds ont renoncé
à comprendre.
Dès le début se pose la seule question qui intéresse un tant soit peu
les citoyens : sera-t-il candidat à son renouvellement ? Voici donc
du pur Hollande :
« C’est vrai que ça peut être
humiliant de perdre, quand on est sortant. C’est aussi humiliant de se dire : je
ne peux pas y aller. Même si j’ai donné des raisons. C’est humiliant de
dire: je n’ai pas réussi, je n’y vais pas. Dans les deux cas c’est
humiliant… Je pourrais dire : écoutez, c’est moralement ma responsabilité
de dire que je ne peux pas y aller parce que je n’ai pas réussi à atteindre mon
objectif. Si ce n’est pas présenté comme une forme de fuite, mais comme une
forme de courage et d’honnêteté. Et si je dois y aller, c’est aussi de dire :
Ce sera très difficile, je peux perdre ; et alors ? c’est la vie de perdre.
Mais c’est mon devoir d’y aller. Et si je suis battu, eh bien voilà, c’est la
démocratie. » En même temps...
Terrifiant, nous avons failli en rester là et fermer le livre. Imaginez-le devant le bouton
rouge nucléaire… C’est d’ailleurs de la même façon qu’il vient de s’interroger
sur la venue de Poutine à Paris quand il se pose publiquement la question
de recevoir son homologue russe. « Est-ce
que c'est utile ? Est-ce que c'est nécessaire ? Est-ce que ça peut être une
pression » ?...La honte !
En revanche, quand il veut humilier, rabaisser les autres, il sait faire.
Grâce à ce bouquin il s’est fait quelques amis de plus. On entend
souvent dire qu’il est un mauvais président mais qu’il est sympathique.
Vraiment ?
-Sarkozy évidemment, "de Gaulle
le petit" : « Ce qu'on ne voit pas chez lui, c'est qu'il ne fait pas
le partage entre ce qui est possible et ce qui n'est pas possible, le légal et
le non-légal, le décent et le non-décent [...] Pourquoi
cette espèce d'appât de l'argent ? [...] Il s'entoure de gens d'argent.
Pourquoi ? [...] L'argent est toujours l'argent ! C'est ça qui est
étonnant… il est "cynique", fait preuve de
"grossièreté" et tient une ligne politique de "la peur" et
"la radicalisation verbale pour aller chercher les électeurs du Front
national ».
Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer qu’il votera pour lui au second tour…
-Les magistrats : « Cette
institution [la Justice], qui est une institution de lâcheté… Parce que c’est
quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque,
on joue les vertueux… On n’aime pas le politique.» Il y aura mis le temps
mais il aura fait plus fort que les petits pois de Sarkozy. Moi, président...
-Les
footballeurs, dont l’élite professionnelle
tendrait vers "une
communautarisation, une segmentation, une ethnicisation", devraient
faire "de la musculation du cerveau".
Portera-t-il
l’échappe de l’équipe de France au prochain match ou doit-il désormais renoncer
à se rendre au Stade de France ?
-Julie Gayet : Cette
fois-ci il avoue tout : « Julie essaye
d'avoir sa vie ce qui n'est pas facile. (...) Je lui dis souvent: "Je ne sais pas ce que j'ai gagné dans cette histoire, mais toi, tu y as perdu"…
s'agissait-il d'un coup de foudre ? "Non, je ne dirais pas ça, parce
que je... Non, je ne dirais pas ça". Les virées nocturnes à scooter pour
se rendre rue du Cirque? "Une dizaine de fois" mais ils se voient
"régulièrement, … pas aussi souvent [qu'ils] le voudraient". Compte-t-il
officialiser cette relation ? "Elle souffre de cette situation.
Elle est demandeuse de le faire. Ça brûle". Mais lui le refuse: "Il n'y aura pas
d'officialisation", a-t-il assuré, lâchant au passage : "Y compris
pour le second quinquennat". Tiens, tiens…
-François
Fillon, a-t-il cherché à accélérer les procédures judiciaires contre
Nicolas Sarkozy pour l'empêcher de revenir dans le jeu politique ?
Hollande raconte : « Il a dit à Jouyet : mais comment ça se fait que
vous ne poussiez pas la justice à en faire davantage ? C'était ça le
message de Fillon : si vous ne faites rien, il reviendra. »
-L’Islam : « Il y a un
problème avec l'islam, parce que l'islam demande des lieux, des
reconnaissances. Ce n'est pas l'islam qui pose un problème dans le sens où ça
serait une religion qui serait dangereuse en elle-même, mais parce qu'elle veut
s'affirmer comme une religion dans la République. » Et de poursuivre sa
démonstration : « Après, ce qui peut poser un problème, c'est si les
musulmans ne dénoncent pas les actes de radicalisation, si les imams se
comportent de manière antirépublicaine. » Mais, précise-t-il, :
« la femme voilée d'aujourd'hui sera la Marianne de demain parce que d'une
certaine façon, si on arrive à lui offrir les conditions de son épanouissement,
elle se libérera de son voile et deviendra une Française, tout en étant
religieuse si elle veut l'être, capable de porter un idéal…
L’immigration : « Je
pense qu'il y a trop d'arrivées, d'immigration qui ne devrait pas être là. »
-Les sans-dents. François Hollande reconnaît avoir employé l’expression
mais sans mépris. « J’ai expliqué à Valérie : quelle est la preuve de
la pauvreté ? C’est que les gens sont sans dents. C’est vrai. Je lui ai
dit : Je vois les gens qui viennent vers moi dans les manifestations, ce
sont des pauvres, ils sont sans dents. » Sans rire ? Pauvre Valérie
qui ne comprend pas, même quand on lui explique ...
-Disparition du PS : « Il faut un acte de liquidation.
Il faut un hara-kiri… Il faut liquider le PS pour créer
le parti du Progrès. »
Impossible de résumer tant et tant d’heures
de conversation pendant cinq ans. Après tout, ce travail ressemble un peu à
notre blog, le récit du règne de François II. Sauf que nous avons cherché nos
informations nous mêmes et que nous avons raconté l’histoire au jour le jour et
non après qu’elle se fut déroulée. Et que nous nous efforçons, autant que possible, d'écrire en français...
Nous retiendrons toutefois deux passages qui
nous paraissent apporter un éclairage nouveau sur l’homme et sur son principal
échec.
Nous rappelions plus haut que personne n’était
vraiment arrivé à comprendre Hollande et nos deux journalistes qui l’ont
ausculté sous tous les angles pendant si longtemps reconnaissent ne pas non plus y être parvenus. Mais un
chapitre du livre donne peut-être une clé, le chapitre
5, "Le spectre", dans lequel Hollande fait cet aveu : « Pour
s’aimer soi-même, il faut avoir le sentiment que les autres vous aiment. »
Les auteurs décrivent le président qui déambule dans les couloirs, emprunte les
raccourcis, se décrivant comme le spectre de l’Élysée. On sent la solitude et l’ennui.
Lugubre ! Il ne lit jamais de roman, dévore tous les journaux, regarde les
chaines d’info à la télé. Pas un ami. En fait, il en a quelques uns, les doigts
d’une main, avec lesquels s’est imposée une certaine distance. Le mystère
Hollande serait donc la solitude ?
Seconde découverte : nous avons, peut-être,
enfin compris cette abracadabrantesque histoire de l’inversion de la courbe du chômage.
Du pur Hollande encore ! À la fin de l’été 2012, il prend enfin la mesure de la
gravité de la situation et comprend que, contrairement à ce qu’il avait promis,
le marché de l’emploi tarderait à s’améliorer. Au lieu d’annoncer
solennellement aux français que cela allait être dur et d’expliquer que le
chômage allait augmenter pendant de longs mois encore, il préfère leur dire que
la courbe allait s’inverser... fin 2013. Quinze mois, pour un politique, c'est l'éternité. Il dira lui-même qu’il regrettera de ne pas avoir dit : « Pendant
deux ans et demi, le chômage va augmenter, mais après il va baisser… J’aurais
pu donner plus de temps. » C’est d’ailleurs ce qu’il finira par faire en
repoussant à 2016 la "baisse continue, chaque mois." Mais, de toute
façon, cela n’aurait pas marché…
Dans l’épilogue on trouve cette phrase : « Lui,
président, n’aura jamais suscité la considération, la crainte, le respect tout
simplement. »
C’est toujours triste une fin de règne !
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