Les autorités chargées de la
police administrative au plan local (maires et préfets ) ont la responsabilité
de veiller au respect des droits et libertés. Si l’ordre public est menacé, ces
autorités peuvent porter atteinte aux libertés fondamentales à condition que
les restrictions soient nécessaires, adaptées et proportionnées. Sous le contrôle, évidemment, du juge qui fait appliquer l’état de droit.
C’est clair, non ? Eh bien non, pas si clair
que cela.
Examinons trois décisions du Conseil d’état
sur la légalité des mesures d'ordre publiques, prises par des autorités de police administrative et portant atteinte à l’exercice des libertés fondamentales.
-1/L’interdiction de spectacle
" Le mur" de Dieudonné, en janvier 2014.
Oublions Dieudonné lui-même, nous lui ferons
pas le plaisir de parler de lui ; d’ailleurs, nous n’y arriverions pas. Il
faut s’en tenir au droit puisque tout le monde invoque l’état de droit. C’est
également la raison pour laquelle nous n’avions jusqu'à présent rien écrit sur le Burkini qui est
également, pour d’autres raisons, un sujets passionnel. Or, si l’on croit
vraiment à l’état de droit, il n’y a pas de place pour la passion.
Donc, par un arrêté du 7 janvier 2014, le
préfet de la Loire-Atlantique interdit le spectacle qui devait se tenir à Nantes. Dieudonné demande au tribunal administratif l’annulation
de cet arrêté. Le juge fait droit à cette demande, suspend l’arrêté
d’interdiction et enjoint de laisser se dérouler le spectacle, estimant, d’une
part, que le motif tiré de l’atteinte à la dignité humaine mis en avant par le
préfet ne permettait pas de justifier la mesure attaquée et, d’autre part, que
le risque de troubles causés par cette manifestation ne pouvait davantage
fonder une mesure d’interdiction totale, dès lors qu’il n’était pas établi que
le préfet pouvait faire face à ce risque par d’autres moyens.
Immédiatement, à la demande du ministre de l’intérieur,
le préfet fait appel devant le Conseil d’état lequel annule la décision du tribunal
administratif, en raison du « risque d’atteintes aux valeurs et principes,
notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine. »
Le ministre de l’intérieur était Manuel Valls
qui avait déjà déclaré un mois plus tôt son intention d’étudier toutes
les voies juridiques pour interdire les réunions publiques de l'humoriste, dont
il juge qu'elles « n'appartiennent plus à la dimension créative mais
contribuent (...) à accroître les risques de troubles à l'ordre public.» Dans la foulée Manuel Valls adresse aux préfets une
circulaire dans laquelle il donne des instructions afin que les spectacles de Dieudonné
soient interdits là où des risques de troubles à l'ordre public auront été
constatés.
Résumé du résumé : on peut interdire
quand il y a atteinte à la dignité de la personne humaine, et à
l'ordre public.
L’épisode se conclura par une déclaration de
Hollande qualifiant l'interdiction de ce spectacle de "victoire",
réaffirmant son soutien à la ligne suivie par Manuel Valls.
-2/L’interdiction d’un autre
spectacle, du même, en février 2015, en Auvergne.
Par arrêté du maire de la commune, la représentation du spectacle de Dieudonné au Zénith de Cournon
d’Auvergne est interdite.
Le juge administratif (tribunal
administratif de Clermont-Ferrand), compétent pour intervenir en référé lorsqu’une illégalité manifeste porte une atteinte grave à une
liberté fondamentale, fait droit à la demande de Dieudonné, suspend l’arrêté d’interdiction et
enjoint au maire de laisser se dérouler le spectacle.
Ce dernier fait appel de cette décision
devant le juge des référés du Conseil
d’État, qui a estimé que l’arrêté
d’interdiction du spectacle portait une atteinte grave et manifestement
illégale à la liberté d’expression et à la liberté de réunion et a confirmé la
suspension prononcée par le juge des référés du tribunal administratif de
Clermont-Ferrand.
Pour justifier ce revirement par rapport au
jugement précédent, le Conseil constate « une situation différente de celle qui avait donné lieu à
des interdictions au mois de janvier 2014. Il a en effet, minutieusement examiné
le contexte particulier de l’affaire et en particulier indiqué que ni le
contexte national, marqué par les attentats du début du mois de janvier, ni les
éléments de contexte local relevés par le maire (en particulier quelques
messages de soutien ou de protestation reçus à la suite de son arrêté) ne suffisaient
à établir l’existence d’un risque de trouble à l’ordre public. »
Donc il y a
le droit et il y a les circonstances…
-3/L’affaire du Burkini :
Le maire de
Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) interdit le port de tenues regardées
comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la
baignade et sur les plages. Des associations et des particuliers ont demandé la
suspension de cette interdiction. Le tribunal administratif de Nice a rejeté
cette requête et confirmé la légalité de la mesure d’interdiction prise par le
maire.
Le Conseil d’état, saisi par les
requérants souligne que « le
maire doit concilier l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre
dans la commune avec le respect des libertés garanties par les lois.» Les
mesures de police en vue de réglementer l’accès à la plage doivent donc, dit-il, « être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités
de l’ordre public, telles qu’elles découlent des circonstances de temps et de
lieu, et compte tenu des exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la
sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage … Il
n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les
restrictions qu’il apporte au regard des seules nécessités de l’ordre
public. À Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des risques
de trouble à l’ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la
baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, le maire ne
pouvait prendre une mesure interdisant l’accès à la plage et la baignade. » Le Conseil
d’État suspend donc cette mesure d’interdiction.
Pardon pour ce long pensum, souvent indigeste
(nous avons largement pratiqué le copié-collé, à partir du site même du conseil
d’état -"conseil-etat.fr"–, afin d’exclure toute interprétation
personnelle) mais il est toujours important de vérifier si l’on ne nous raconte
pas des bobards.
Ce que nous retenons, c’est que l’état de
droit n’est pas le carcan que l’on nous décrit qui s’imposerait dans sa clarté constitutionnelle.
Il fixe, certes, des principes relatifs à l’exercice des libertés fondamentales
mais laisse au juge une très large liberté d’interprétation et de dérogations.
L’honnêteté devrait conduire à conclure que si les principes généraux du droits
sont non négociables les conditions de leur application peuvent être précisées par la loi. Et la loi, c’est l'affaire du parlement. Si les juges peuvent
interpréter, la loi peut préciser les domaines et l’étendue de ces interprétations lesquelles s'imposeront aux juges. Il en va de même bien entendu, avec la constitution.
Mais on aurait tort de se limiter à l’aspect
juridique des choses, au seul principe de l’ordre public. Il y a aussi d’autres
principes dont l’application va bien au-delà de l’état de droit. Nous pensons à
la dignité humaine. Certes, elle est prise en compte par les juges qui avaient
sanctionné jadis le jeu du lancer de nain et avec le spectacle du mur à propos
des délires antisémites de Dieudonné. Mais la dignité humaine peut aller plus
loin, notamment dans l’application concrète de l’égalité entre les femmes et
les hommes.
Avez-vous une seule fois lu l’expression "dignité
de la femme" dans les considérants énoncés des juridictions administratives ? Non, et nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’un oubli de notre part.
Petit retour en arrière.
Qui a dit : « La théorie du
genre, qui explique "l'identité sexuelle" des individus autant par le
contexte socio-culturel que par la biologie, a pour vertu d'aborder la question
des inadmissibles inégalités persistantes entre les hommes et les femmes. » ?
Qui a dit, lors d’une visite à la crèche
Bourdarias, à Saint-Ouen, où l’équipe se mobilise pour lutter contre les
stéréotypes de genre qui assignent les enfants à des rôles différents en
fonction de leur sexe et encourage les filles à manier le marteau à l’atelier
bricolage, et les garçons à s’exprimer à l’atelier émotions : « C’était
mon premier projet en arrivant à ce ministère. »
Qui a
dit à propos du projet "Les ABCD de l’égalité" : « c’est à
l’École que nous voulons donner tous les moyens de déconstruire, par le savoir,
les préjugés qui s’opposent à l’égalité véritable. L’introduction d’un module
consacré à l’égalité filles-garçons dans la nouvelle formation des enseignants
en était une illustration importante dans la loi de refondation de l’école … qui
met au cœur de ses ambitions la véritable mixité des filières de formation et
des métiers. De quoi s’agit-il ? Amener dès le plus jeune âge les élèves à
s’interroger sur leurs représentations du monde, les freins qu’ils s’imposent à
eux-mêmes parce que filles, parce que garçons, le respect qu’ils se portent,
etc… Prévenir très tôt les phénomènes d’autocensure comme ceux de violence,
donner confiance en eux, aux filles comme aux garçons, pour simplement être soi
en ne se laissant pas enfermer dans des carcans et des rôles prédéterminés et
inégalitaires, tel est l’objectif d’un tel apprentissage. »
Qui n’a rien dit sur un plateau de télévision
quand le président d’une ONG musulmane qui professe que «la place allouée aux femmes au sein
de l'ONG n'est pas égale à celle des hommes » lui déclare qu’il ne serre
pas la main aux femmes ?
À chaque fois la même : Najat Vallaud-Belkacem,
successivement porte-parole du candidat Hollande, ministre des droits de la
femme, ministre de l’Éducation nationale. Mais aujourd'hui, elle se félicite que le Conseil d'état interdise d'interdire le burkini au nom de la liberté de la femme qui prime sur les risques d'atteinte à l'ordre public. Les violences à Sisco, en haute corse, ce n'était donc pas un problème d'ordre public ...
En réalité, on n'y comprend plus rien ! Franchement, Madame Belkacem, vous qui souhaiteriez que l’on habille les filles comme des garçons et les garçons comme des filles ne trouvez-vous pas que le burkini est une tenue du genre stéréotype féminin ?
Et pourquoi votre premier ministre est-il à peu près le seul à gauche à soutenir les maires ayant interdit le burkina ?
Parce qu'il n'est pas vraiment de gauche ?
D'ailleurs, n'a-t-il pas osé dire devant ses amis socialistes : "Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu'elle nourrit le peuple, elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre. C'est ça, la République".
Cette belle phrase, Manu, on la comprend.
En réalité, on n'y comprend plus rien ! Franchement, Madame Belkacem, vous qui souhaiteriez que l’on habille les filles comme des garçons et les garçons comme des filles ne trouvez-vous pas que le burkini est une tenue du genre stéréotype féminin ?
Et pourquoi votre premier ministre est-il à peu près le seul à gauche à soutenir les maires ayant interdit le burkina ?
Parce qu'il n'est pas vraiment de gauche ?
D'ailleurs, n'a-t-il pas osé dire devant ses amis socialistes : "Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu'elle nourrit le peuple, elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre. C'est ça, la République".
Cette belle phrase, Manu, on la comprend.
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