Il est encore trop
tôt pour nous brancher sur les sondages de la future élection présidentielle et
suivre les crues et décrues des candidats déclarés, potentiels ou putatifs.
Bien sûr, nous les regardons, en particulier l’enquête du Centre de recherches
politiques de Sciences Po, le CEVIPOF, réalisée par IPSOS-STERIA en partenariat
avec Le monde. Elle interroge tous les mois près de 10.000 électeurs sur leurs
intentions à la primaire de la droite et du centre, à la présidentielle et aux
législatives qui suivront. Nous en sommes à la quatrième vague qui a été
publiée le 2 juin. Du beau travail dont nous aurons l’occasion de parler.
Aujourd’hui nous
nous contenterons de citer un seul chiffre, le score estimé de Mélenchon au
premier tour de la présidentielle : 12%. On pourrait dire qu’il n’y a rien
d’étonnant, même s’il est très près de Hollande, puisque c’est à peine un peu
mieux que le résultat qu’il avait obtenu en 2012. Mais le contexte était radicalement
différent.
D’abord, sa
candidature est pour l’instant individuelle. Il n’est que le leader du Parti de
Gauche. Le PC, son allié de 2012, ne l’a pas rejoint et se divise entre ceux
qui voudraient que leur secrétaire national, Pierre Laurent, les représentent,
ceux qui considèrent qu’il serait suicidaire d'engager leur propre candidat qui risquerait de se retrouver bien derrière Mélenchon et ceux qui jugent prudent
d’attendre de savoir s’il y aura une primaire de la gauche non socialiste et si
d’autres candidats se déclareront que le PC
pourrait soutenir tels que Montebourg ou Hulot. Donc Mélenchon est évalué à deux points de moins que
Hollande (14%) et il n’a pas encore enregistré de ralliements hors de son
propre parti. Quand cela arrivera…
Ensuite, le contexte
politique a radicalement changé. En 2012, c’était un combat classique droite-gauche,
malgré la présence du FN à un niveau élevé mais absent du second tour.
Aujourd’hui, la donne est bouleversée avec le succès rencontré par les
candidats "horsystèmes", les populistes, qui sont contre tout et contre tous. Ils rencontrent un écho de plus en plus fort et menacent les partis de gouvernement traditionnels.
Ne nous y trompons
pas, il ne s’agit pas d’un phénomène uniquement français (même si chez nous les
"antisystèmes", Front national et extrême gauche, représentent au moins 40% de
l’électorat !) mais il est quasi général dans toutes les démocraties
occidentales.
En Grèce, Syriza a
pulvérisé la gauche socialiste et battu la droite, comme en Autriche où droite
et gauche classiques ont été éliminées au premier tour au profit d’un candidat
d’extrême droite et d’un écologiste. Ce denier, qui a pourtant bénéficié de
nombreux soutiens de tous côtés, n’a finalement gagné que de quelques milliers de voix.
En Italie, le
premier tour des municipales qui vient d’avoir lieu a vu, à Rome, se qualifier
pour le second tour une candidate d’extrême droite et une candidate du "Mouvement
5 étoiles" de Beppe Grillo. La capitale italienne va donc tomber entre les
mains d’un mouvement populiste, dont les cinq
étoiles, censées représenter les cinq engagements, figurent sur son logo, juste
au-dessous du nom "MouVement",
V majuscule pour Victoire mais aussi, selon son leader qui est un comique de profession,
"Vaffanculo" que nous nous garderons bien de traduire.
En Espagne, PODEMOS (prolongement politique des "Indignados", c’est-à-dire les "Indignés", ce qui résume bien le programme !), mouvement d'extrême gauche apôtre de la démocratie participative, devrait
devancer le parti socialiste lors des prochaines élections générales et devenir
la première force d’opposition.
On ne saurait oublier Donald Trump qui a remporté la
primaire républicaine aux États-Unis malgré l’opposition de tous les leaders du
parti et qui menace Madame Clinton pour la présidence. Le prototype du candidat
antisystème, anti-hispanique, anti-arabe, isolationniste, protectionniste,
populiste, démagogue et qui fait dans le comique lui aussi…
On pourrait continuer encore, des mouvements
antisystème il y en a dans toutes les démocraties occidentales, d’extrême
droite ou d’extrême gauche, qui prospèrent sur les angoisses et les ressentiments
des faibles et des déclassés.
Nous, nous avons Mélenchon
(en plus, bien sûr, du Front national). C’est un cas, celui-là aussi !
Ce contre quoi il
est, on le sait : contre l’Europe, contre la maîtrise des dépenses
publiques, contre la limitation de la dette, contre l’ouverture des frontières,
contre le libéralisme, contre le capital, contre les banques, contre les patrons... En
réalité, c’est l'écho du Front national, dont il ne se distingue vraiment que sur un seul sujet : l’immigration. D’ailleurs, ils sont, l’un et l’autre, le réceptacle des déçus de
Hollande qui, comme les syndiqués de la CGT, rejoignent en masse soit Marine Le
Pen soit Mélenchon.
En revanche, qui
sait ce qu’il propose vraiment ? On ne lui demande pas de chiffrer
puisque l'on a compris qu’il refuse de compter, pas plus les dépenses que la dette, mais
son programme concret ? Il n’y en a pas. En revanche, on connaît ses
modèles, ceux qu’il prétend imiter. Tsipras et Chavez ; édifiant !
Lors de l’élection de Tsipras en Grèce, il a vu la
vierge : enfin un dirigeant européen élu démocratiquement décidé à faire
la nique à l’Europe et au FMI, de mettre fin aux mesures d’austérité négociées
par ses prédécesseurs pour tenter de sauver le pays de la banqueroute et qui refuse
d’assumer la dette de son pays. Etant un démocrate, il demande au peuple
de rejeter par référendum le plan proposé par la maudite Troïka appelée au
chevet de la Grèce. Et le peuple lui donne raison. Mélenchon entre en
extase : la Grèce va sortir de l’euro, c’est toute l’Europe qui risque
d’exploser. Mais Tsipras met fin à son bluff, accepte tout ce qu’on lui demande
et selon sa propre expression « donne même sa chemise ». Notre héros
national qui ne cessait de clamer son admiration pour son ami Tsipras et qui
multipliait les occasions d’être pris en photo avec lui découvre qu’il est cocu
et s’en trouve fort marri.
Mais il a un autre
guide, le "Comandante" Hugo Chavez, président populaire et
populiste du Venezuela. Élu en 1999, il met en œuvre la "Révolution bolivarienne", instaure
une "démocratie participative", nationalise à tout va et lance une
politique sociale qui lui vaudra l’adoration du peuple et l’admiration de la
gauche internationale. Lorsqu'il meurt en 2013, il est remplacé par Nicolas Maduro son
vice-président . Aujourd’hui, après
17 ans de "Chavisme" le Venezuela n'est plus qu'un champ de ruines. Plus rien ne
fonctionne, les produits les plus élémentaires font défaut, pour payer le peu
que l’on trouve il faut déverser une valise de billets dévalués, l’insécurité
règne partout. Mais Maduro s’accroche au pouvoir au mépris de la constitution et
muséle l’opposition qui est pourtant devenue largement majoritaire au parlement.
À la disparition de Chavez,
Mélenchon est désespéré. La révolution bolivarienne est pour lui « une
source d’inspiration » et il jure que « Chavez a été la pointe
avancée d’un processus large dans l’Amérique latine qui a ouvert un nouveau
cycle pour notre siècle, celui de la victoire des révolutions
citoyennes. »
Mélenchon, c'est donc le Venezuela. L’homme qui pourrait éliminer Hollande du second tour de la présidentielle et peut-être même le reléguer à la quatrième place ...
Caramba !Mélenchon, c'est donc le Venezuela. L’homme qui pourrait éliminer Hollande du second tour de la présidentielle et peut-être même le reléguer à la quatrième place ...
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