En matière de famille Hollande s'y connaît. Personne ne peut le contester. Il a donné de sa personne et on comprend bien pourquoi il en parle au pluriel...
Politiquement aussi, il s'est fort intéressé à la famille, dans la lignée de
Gide, en détricotant méthodiquement une
des rares politiques publiques françaises qui était un succès incontestable :
allocations familiales, quotient familial, prestation pour les
jeunes enfants, il a tout raboté…Mais
il a trouvé mieux encore pour rabaisser la famille, en faire un pluriel.
Il y a en France un ministère de l'Économie, qui oserait créer le ministère des
Économies (et pourtant, il le faudrait bien!) ? Il y a celui de la Défense, pas
celui des Défenses (et pourtant notre vie en est encerclée). Il y a celui de l'Intérieur mais une démocratie ne saurait pénétrer
les intérieurs. Il y a celui de la Justice mais seules les injustices vont au pluriel.
On pourrait continuer avec l'Éducation qui pourtant ne brille pas par son
unicité, ou la Santé qui nous est chère. Ou la Pêche qui n’est qu’un misérable
secrétariat d’État alors qu’il y a tant de pratiques, à la ligne, à la traîne, au
chalut, au filet, hauturière, à la bolinche, à la nasse, à la palangrotte, etc.
Ou encore la Mer qui relève du même secrétaire d’État mais où le pluriel s’imposait
tant la France est riche en rivages marins, mers et océans, une bonne dizaine
en comptant l’outre-mer qui contribue tout autant au patrimoine national maritime que les chômeurs ultramarins
participent au désastre national de l’emploi; tout cela mérite bien une pétition
pour que M. Vidalies soit promu ministre Des Mers et Océans et des Pêches. Il y
a surtout la Culture qui s’accroche à son unicité judéo-chrétienne alors que nombreux
sont ceux qui s’efforcent de promouvoir le multiculturalisme (c’est Levi-Strauss qui prônait "la coalition des cultures préservant chacune son originalité").Il n'y a que la diplomatie qui se définit
comme Affaires Étrangères mais c'est le domaine de bien étranges affaires.
La
famille, en revanche, c'est sacré. La France est une grande famille comme l'a
déclaré le président Hollande lui-même. Même les socialistes, qui pourtant se
divisent et se déchirent entre clans adverses, se prétendent une belle famille…
Et
voilà que Hollande, très fâché d'entendre dire par tout le monde que son
dernier remaniement ministériel est un bide politicien, décide d'un nouveau
changement : le ministère de la Famille va se transformer en ministère Des
Familles ! Réponse bien sentie à
ceux qui disaient qu'il ne pourrait plus y avoir de grandes réformes d'ici la
fin du quinquennat. On sait bien que les familles sont nombreuses en France,
comme les agricultures, mais il n'y a pas de ministère des Agricultures bien
qu'il existe des agricultures industrielles, familiales (Et oui, il y a aussi des familles de paysans !),
intensives, extensives, mécanisées, animales, biologiques, hydroponiques, viticoles, horticoles, etc. Alors pourquoi parler des Familles sous prétexte
qu'il y en a de mono, de bi, d'homo, etc. ? Hollande, qui se bat justement
contre toutes les stigmatisations, n'a-t-il pas compris qu'avec ce pluriel il
singularisait les familles selon leur genre, les distinguait selon leur
particularité ? Pourquoi faire un mariage pour tous si c'est pour trier ensuite
les familles par catégories ? Taxer les familles bourgeoises, cela
se comprend de la part de socialistes intégristes mais pourquoi introduire une rupture d'égalité entre
les différentes formes de familles ? Ce pluriel aura finalement pour
principal effet de marquer les différences et, comme on le dit avec raison à propos des
races, des différences aux inégalités il n’y a qu’un pas …
Acceptons qu'il ait voulu signifier que la famille n'était pas nécessairement une
affaire de femmes. Mais il aurait mieux fait, alors, de supprimer dans l'intitulé
du ministère les mots "Droits des Femmes", scandaleusement accolés à
"Famille et Enfance", pour les remplacer par "Droit du
Genre". La plupart n'aurait pas compris la nuance mais grâce à cette citation éclairante de l'illustre sociologue-ethnologue Claude Levi-Strauss, notre spécialiste de la famille, tout le monde aurait adhéré
avec enthousiasme à sa belle définition de la famille :
"Les
règles de la parenté et du mariage nous sont apparues comme épuisant, dans la
diversité de leurs modalités historiques et géographiques, toutes les méthodes
possibles pour assurer l'intégration des familles biologiques au sein du groupe
social. Nous avons ainsi constaté que des règles, en apparence compliquées et
arbitraires, pouvaient être ramenées à un petit nombre : il n'y a que trois
structures élémentaires de parenté possibles ; ces trois structures se
construisant à l'aide de deux formes d'échange et ces deux formes d'échange
dépendent elles-mêmes d'un seul caractère différentiel, à savoir le caractère
harmonique ou dysharmonique du système considéré. Tout l'appareil imposant des
prescriptions et des prohibitions pourrait être, à la limite, reconstruit a
priori en fonction d'une question, et d'une seule : quel est, dans la société
en cause, le rapport entre la règle de résidence et la règle de filiation ? Car
tout régime dysharmonique conduit à l'échange restreint, comme tout régime
harmonique annonce l'échange généralisé".
(Claude Levi-Strauss,Les structures Élémentaires de la parenté- 2002.)
(Claude Levi-Strauss,Les structures Élémentaires de la parenté- 2002.)
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