Un véritable attentat, une bombe
à fragmentation, une tentative d’assassinat, un suicide réussi. La sidération
est générale depuis la publication hier soir dans "Le Monde" d’un
Manifeste signé par de nombreuses personnalités de gauche, socialistes,
écologistes, intellectuels non pseudos…Martine Aubry en tête accompagnée de Benoît Hamon, Daniel Cohn-Bendit, Axel Kahn et 14 autres.
Maintenant les choses sont
claires et l'on sait que la réconciliation des deux gauches vers un socialisme
moderne n'est pas pour demain. Cet événement marque donc une date essentielle
dans nos chroniques sur l'avenir du socialisme français. On craignait qu'il ne
disparaisse, que l'on se rassure on en aura deux...
La guerre est donc ouverte entre
les "neo" et les "chrypto", entre les réformateurs et les
conservateurs (c’est ainsi que dans les anciens pays communistes on appelle les
partis qui continuent à se proclamer marxistes). Et elle a déjà fait une
victime de marque: François Hollande lui-même ! S’il n’est pas épargné, on voit
bien que la cible privilégiée est le premier ministre. D’ailleurs, les
critiques portent sur les deux dernières années, comme si le président n’était
déjà plus dans le jeu. Les socialistes ont maintenant deux chefs : Valls et
Aubry. Plus de quartiers, l'issue ne peut être que la mort de l'un des deux ou
de tous les deux, mais comment pourrait-il y avoir réconciliation ?
Que dire devant une telle charge ?
Il est vrai que nous ne faisons pas ici preuve d'indulgence à l'égard du
président, de son premier ministre et du gouvernement. Mais jamais nous aurions
osé une telle violence.
Il faudra du recul pour en
mesurer les dégâts mais cela confirme notre dernière chronique : peut-on encore envisager
la candidature d'un président sortant tellement rabaissé par une partie
importante de la gauche ? Mais aussi, quelle chance reste-t-il à une
candidature de substitution de Manuel Valls qui ne pourra jamais obtenir un
soutien unanime du parti socialiste, sans parler des autres partis de gauche ? Comment
enfin, envisager une candidature de Martine Aubry, qui de toute façon n’osera très
probablement pas affronter le jugement des français, et qui, si jamais elle s’engageait
enfin dans la présidentielle, concourrait contre Valls non pas pour la seconde
place mais pour la troisième ou la quatrième, voire même la cinquième ?
Le sujet est si grave qu'il nous
faut reproduire ici, pour en conserver la mémoire, les principaux passages de
ce texte qui, sans aucun doute, fera date :
SORTIR DE L’IMPASSE
Trop, c'est trop ! Les motifs
d'insatisfaction sur les politiques menées depuis 2012 n'ont pas manqué… Ce
n'est plus simplement l'échec du quinquennat qui se profile, mais un
affaiblissement durable de la France qui se prépare, et bien évidemment de la
gauche, s'il n'est pas mis un coup d'arrêt à la chute dans laquelle nous
sommes entraînés…
La gauche avait déjà assisté, incrédule,
en janvier 2014, au pacte avec le Medef qui se révéla un marché de dupes. … Ces
41 milliards d'euros mobilisés pour rien…
Puis, nous nous sommes vu infliger, à
l'hiver 2015, ce désolant débat sur la déchéance
de nationalité. …À Versailles, le président de la République a émis
l'idée d'une peine de déchéance de nationalité pour les terroristes. Très vite,
chacun a compris l'impasse : réservée aux binationaux, elle est
contraire au principe d'égalité ; appliquée aux mono-nationaux, elle
fabriquerait des apatrides. Et, si ce débat nous heurte tant, c'est qu'il
touche au fond à notre conception de l'identité de la France. Pour la
gauche, l'identité française doit être républicaine, elle se définit comme une
communauté non pas d'origine, mais de destin, fondée sur les valeurs de
liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité. Le texte adopté par
l'Assemblée nationale a gommé les aspérités sans en supprimer les effets, et en
les aggravant en étendant la déchéance de nationalité aux délits. Aller
au Congrès de Versailles dans ces conditions serait une fêlure profonde pour
la gauche et d'ailleurs aussi pour certains démocrates.
Par une regrettable accélération du
temps, la semaine dernière, ce fut la meurtrissure de l'indécent discours de
Munich*, à propos des réfugiés. Se
revendiquer d'une liberté de ton n'autorise pas tout. Non, Angela Merkel
n'est pas naïve, Monsieur le premier ministre. Non, elle n'a pas commis une
erreur historique. Non, elle n'a pas mis en danger l'Europe, elle l'a sauvée.
Elle l'a sauvée du déshonneur qui aurait consisté à fermer totalement nos
portes à toutes ces femmes, ces hommes et enfants fuyant les persécutions et la
mort et en oubliant ceux qui chaque jour perdent la vie en Méditerranée…La
mission de la France n'est pas de dresser des murs, mais de construire des
ponts…
Et, aujourd'hui, voici que l'on s'en
prend au code du travail !...
C'est pour l'avoir ignoré que,
partout au sein de la gauche, l'avant-projet de loi dit " El Khomri "
a provoqué non plus de la déception, mais de la colère !...
Et à qui fera-t-on croire … qu'on
favorisera ainsi l'emploi ? Réduire les protections des salariés face au
licenciement conduira plus sûrement à davantage de licenciements !
Qui peut imaginer que, en généralisant
les possibilités de ne plus payer les heures supplémentaires en heures on
améliorera la situation de l'emploi en France ? Qui peut faire croire
qu'augmenter le temps de travail va diminuer le chômage ? Moins de pouvoir
d'achat pour les salariés, moins d'embauches pour les chômeurs en cas de
surcroît d'activité, est-ce bien cela que l'on veut dans un pays de plus de
3,5 millions de chômeurs et dont les
entreprises souffrent de carnets de commandes trop peu remplis ?
Que le patronat institutionnel porte ces
revendications, pourquoi pas, … Mais
qu'elles deviennent les lois de la République, sûrement pas ! Pas ça, pas
nous, pas la gauche !...
Et puis, disons-le, la méthode n'est
plus supportable. On brandit à nouveau la menace de l'article 49-3….Tout cela est déraisonnable. Une France gouvernée sans son Parlement est
mal gouvernée. La démocratie est atteinte. Redonnons tout son pouvoir au
Parlement, respectant ainsi la Constitution, les textes qui en sortiront n'en
seront que meilleurs et leur légitimité renforcée.
Les valeurs, l'ambition sociale, les
droits universels de l'homme, l'équilibre des pouvoirs, que restera-t-il des
idéaux du socialisme lorsque l'on aura, jour après jour, sapé ses principes et
ses fondements ? …
Il ne suffit pas de se revendiquer du
réformisme social pour en mériter le titre. Il n'y a ni vraie réforme ni social dans nombre de politiques qui sont
menées depuis deux ans. On y trouve des propositions puisées dans le
camp d'en face, qui n'ont rien de moderne, et qui sont inefficaces. Et,
puisqu'on nous parle du serment de Versailles, rappelons-nous de celui du
Bourget, mis à mal une fois de plus, et qui pourtant fonde la légitimité au nom
de laquelle le pouvoir est exercé depuis 2012.
Pour sortir de l'impasse, il faut de
vraies réformes, synonymes de progrès économique, social, écologique et
démocratique. Elles doivent être porteuses d'émancipation pour chacun et de
vivre-ensemble pour tous. C'est ce chemin qu'il faut retrouver ! Celui de la
gauche, tout simplement !
*Discours prononcé par Valls
le 13 février : « Je suis venu faire passer un message d’efficacité
et de fermeté…L’Europe ne peut accueillir davantage de réfugiés. »
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