Il se passe en ce moment d’étranges
choses. Clairement, si tout ne va pas vraiment mieux en France, du moins il a
d’incontestables signes d’amélioration. La situation économique cesse de se
dégrader et l’on peut légitimement nourrir quelques espoirs de reprise. Même
s’il cale de temps en temps, le moteur de la croissance semble repartir –
lentement- et même si les chiffres sont souvent bidouillés, on sent bien que
le chômage est en voie de stabilisation. Les impôts sont en baisse, du moins
pour les plus défavorisés, la compétitivité des entreprises se redresse grâce à
la faiblesse de l’euro, à la chute des cours du pétrole et au recul des taux
d’intérêts mais grâce aussi aux baisses de charges des entreprises avec le CICE et le pacte de responsabilité.
Toute personne de gauche normale
devrait se dire que, peut-être, tout n’est pas irrémédiablement perdu et que
Hollande conserve encore quelques chances. S’il s’agit de surcroit d’un élu, il
pourrait même commencer à espérer conserver son siège en cas de victoire de
Hollande. Bref, toute la gauche devrait se rassembler autour du président pour
essayer de sauver ce qui peut l’être encore et soutenir son action dans la
perspective de 2017. Sais-t-on jamais ?
Eh bien, c’est tout le contraire qui
se passe. Jamais la gauche n’a été aussi divisée, éclatée plutôt, puisque
chacune de ses composantes parait en voie d’implosion et en opposition avec
toutes les autres. La désunion de la gauche !
Les écologistes se déchirent sur les
alliances électorales et l’on vient d’assister à la démission de ses deux
présidents de groupes parlementaires, de Rugy à l’assemblée nationale et Placé
au sénat.
Au front de gauche, Mélenchon et les
communistes font désormais chambre à part et l’on parle de divorce.
Le PS, dont on connaissait
l’opposition historique entre son aile droite et son aile gauche - c’est le
sujet principal de nos blogs - donne en supplément ce spectacle extraordinaire
d’un affrontement entre les deux membres du gouvernement les plus populaires
chez les sympathisants socialistes, tous deux réformateurs. Plus étonnant encore :
le sujet de la dispute concerne le temps de travail et les 35 heures. Macron
considère qu’il faut revenir dessus tandis que Valls, qui avait fait scandale
lors de la primaire socialiste de 2011 en proposant leur démantèlement, les
défend aujourd’hui bec et ongles. Il y a, certes, une grande part de spectacle
dans cette querelle mais elle révèle quelque chose de plus profond : Valls
a désormais un concurrent ! Lors de la primaire de 2011 nous avions écrit
une chronique à la gloire de Valls sous le titre "Rocard a un
successeur", célébrant sa jeunesse, son franc-parler et saluant la
naissance d’un homme d’état: (http://agv-solferino2012.blogspot.fr/2011/09/retour-sur-le-debat-valls-rocard-un.html#links).
Maintenant que Valls s’est rangé (aux
cotés de Hollande), il découvre qu’il a lui-même désormais un héritier en la
personne de Macron. Sacré coup de vieux et premières tentatives de séduction
vers l’aile gauche.
Bref, au lieu de monter dans le canot
de sauvetage, nous parlons de Hollande, pour tenter d’échapper au naufrage,
chacun s’efforce, par tous les moyens, de le décrédibiliser et de torpiller
toutes ses chances.
Le plus frappant est le caractère
général de cette attitude, de plus en plus rependue. En écoutant les émissions
politiques à la télévision, en lisant la presse de gauche, en relevant les
déclarations des uns et des autres on a l’impression que c’est toute la gauche
qui s’est lancée dans le Hollande bashing à l’exception de quelques
irréductibles fidèles, étrangement silencieux. Les universités d’été de La Rochelle
ont été un véritable révélateur. Alors que les "réformateurs" se
réunissaient séparément à Léognan, l’aile gauche faisait de même pour ses
"Journées des frondeurs", à La Rochelle. Dans une autre salle Valls était
sifflé par le Mouvement des Jeunes Socialistes aux cris de "Macron
démission, Taubira présidente". Pas de réunion, en revanche, cette année,
du courant des amis de Hollande, "Répondre à gauche » qui, en 2014,
avait apporté un soutien marqué à l’action du président (Le Foll, Leroux,
Sapin, Rebsamen…).
Aucun raisonnement tactique ne peut
expliquer un tel comportement. Le paradoxe suprême est que le seul en mesure de
lui disputer la candidature soit aussi son meilleur allié, Valls qui soutient
Hollande comme la corde soutient le pendu. Pourquoi une telle unanimité contre
le président au moment où percent quelques rayons de soleil, ce qui, s’agissant
Hollande, relève du miracle ?
Il faut, sans doute, chercher
l’explication dans la psychanalyse. Inconsciemment, la gauche a fait le choix
de l’opposition. Elle sent bien que les "valeurs" auxquelles elle
s’accroche, et qui cachent son absence de programme, n’ont pas résisté au temps,
ni à l’exercice du pouvoir. Une fois instaurés le mariage pour tous et la
charte de la laïcité, elle n’a plus rien d’emblématique à proposer aux
Français. Elle a fini par comprendre que, comme
disait Nietzsche, "La valeur d’une chose réside non dans ce qu’on
gagne en l’obtenant, mais de ce qu’on paye pour l’acquérir, de ce qu’elle coûte".
Alors que la droite se répète in
petto : "Et s’il était réélu ? ", la gauche quasi
unanime le cloue au pilori du matin au soir. Pulsions suicidaires ?
On connaît l’histoire de la grenouille
et du scorpion qui voulait traverser la
rivière. Ne sachant pas nager il demande à la grenouille :
- S’il te plait, prends-moi sur ton
dos pour passer sur l’autre rive.
- je ne suis pas idiote, lui répond la
grenouille. Pour que tu me piques et que je me noie ? »
- Mais non, réfléchis. Si tu coules,
je meurs avec toi. Je ne suis pas idiot non plus.
- C’est vrai. Allez, monte sur mon dos.
Au milieu de la rivière le scorpion
pique la grenouille avec son dard empoisonné. Avant de mourir la grenouille lui
crie :
- Mais tu es complètement fou !
Tu vas couler avec moi. Qu’est-ce qui t’a pris ?
Et le scorpion, dans un dernier
soupir :
- Que veux-tu, c’est ma nature…
Aucun commentaire:
Publier un commentaire