La gamme "Reflets
de France", diffusée par une grande chaîne de distribution,
connaît un grand succès auprès de nombreux clients. Elle ne porte pas
la marque d'une célèbre multinationale, on en vante rarement les mérites
à la télévision mais les consommateurs sont attirés par ses produits
confectionnés dans les régions, par de petites entreprises.
C'est également du
terroir que viennent la plupart des électeurs du Front national. On peut
ne pas aimer Carrefour mais comment ne pas comprendre le succès de ses
produits de pays ? On peut honnir le FN mais comment ne pas chercher à
comprendre les raisons de ses succès électoraux ? Pourtant, nos
élites trouvent plus commode de s’exciter sur ses dirigeants. Pour elles,
le FN est un clan au passé chargé et à la filiation discutable ; une famille,
au sens sicilien du terme, non fréquentable. Ce n’est pas faux.
Le problème est que ce
n’est plus l’essentiel. Non pas que papa, fifille, petite-fille, maris, jules
et affidés aient été touchés par la grâce et se soient convertis aux
valeurs républicaines. Ils ont simplement changé de discours et d'électeurs.
Les collabos sont morts,
les fachos passés de mode. Le FN ressemble à ces vieilles PME françaises qui
redeviennent à la mode parce qu’elles ont compris qu'elles pouvaient retrouver
une clientèle en changeant l'emballage et la réclame. Il suffit de présenter un
produit qui réponde aux goûts des gens, dont le prix est compatible
avec leurs moyens et simple à utiliser.
Les français d’en bas,
du terroir, veulent que l’on prenne en compte leurs soucis et que l'on soit à
leur écoute. Le FN l’a compris qui ne s'encombre pas de grandes théories; il a
une clientèle et il lui parle simplement (c'est le moins qu'on puisse dire).
Mais surtout, surtout,
il va au-devant d'eux. Un membre de la famille se retrouve au chômage ? Il
envoie quelqu'un frapper à sa porte pour l’écouter, compatir et présenter une
solution facile à comprendre. Un autre a subi une agression ? Il y aura
encore quelqu'un pour se désoler et laisser entendre, en toute complicité, que
décidément la France n'est plus ce qu’elle était. La victime pourra alors
évoquer ses angoisses identitaires, à voix basse, mais sans redouter une
réflexion méprisante.
Jadis quand un ouvrier,
un employé, rencontrait des difficultés, professionnelles ou familiales, il
s'adressait à son syndicat ou à l’élu local du coin. Aujourd'hui, il va plutôt
chez le médecin, s'il obtient un rendez-vous et s’il a les moyens de se payer
une mutuelle.
Il est frappant de
constater que l'émission télévisée "C dans l'air", qui est
probablement la meilleure sur la politique et les problèmes de
société, ne réunit que des gens brillants, sensés bien connaître le sujet
du jour mais qui ne parlent qu'entre eux. Ils constituent un
petit club d'initiés qui, comme le disait Coluche, s'autorisent à penser.
On n’y voit généralement pas d'intervenants qui auraient personnellement vécu les problèmes dont on débat. Autour de la table, des vedettes éminentes du monde des médias, des experts, des parisiens. Quand ils voyagent, c'est dans l'avion du Président, ou d'un ministre, qui les a conviés à se joindre à leur suite.
On n’y voit généralement pas d'intervenants qui auraient personnellement vécu les problèmes dont on débat. Autour de la table, des vedettes éminentes du monde des médias, des experts, des parisiens. Quand ils voyagent, c'est dans l'avion du Président, ou d'un ministre, qui les a conviés à se joindre à leur suite.
Il serait injuste de
penser qu'ils sont indifférents aux misères du monde. Mais leurs sujets sont
différents : faut-il parler d’assimilation ou d’intégration ? Que
faire des clandestins de Sangatte. La circulation alternée doit-elle être
généralisée lors des pics de pollution ? Faut-il modifier les grilles de
tarification de professions réglementées ? Et puis il y a les drames
nationaux, Charlie, le crash d'un avion par un pilote détraqué
mental... Toutes les semaines la France est conviée à une grand-messe de
la compassion dirigée par le Grand prêtre Hollande.
Rien à dire, sauf que
quelques millions de français vivent le drame quotidien de la solitude et de
revenus épuisés dès le 20 du mois. Ce sont souvent des ruraux,
des périurbains, des ouvriers ou des salariés modestes du secteur
privé, des commerçants, des artisans, des micro-entrepreneurs (1). Ils
n'ont ni statut protecteur, ni syndicat défenseur. Ils sont isolés, angoissés,
ne comprennent pas le langage des politiques. En fait, au propre comme au
figuré, ils ne savent plus où ils habitent. Quand ils osent voter leur
cri d'angoisse est considéré comme un chant fasciste.
Ils sont 25%. Seule une
petite minorité d’entre eux correspond à l'image que l'on se fait du Front
national. Si l'on continue de les ignorer, de les mépriser, de mettre en doute
leur appartenance à la République, ils seront bientôt le double. Mais inutile de paniquer
: ils finiront bien par découvrir qu’ils ont été, une fois de plus, trompés…
(1) Selon une enquête
IFOP, sur la sociologie du vote au premier tour des élections départementales,
49% des ouvriers, 38% des employés, 28% des artisans/commerçants se sont
prononcés en faveur du Front national.
Et 50% des sans-diplômes ont mis un bulletin FN dans l'urne...
L'étude ne dit pas, en
revanche, pour qui ont voté les sans-dents. Mais ce sont probablement les
mêmes.
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