Tout
le monde ne connaît pas Thiérry Mandon. C’est un ministre, enfin un secrétaire
d’état (à la Réforme de l'État). L’important est la déclaration qu’il vient de
faire sur Public Sénat dans laquelle il juge "indispensable" une primaire
"élargie aux radicaux, écologistes et tous ceux qui voudront y
participer" précisant qu’évidemment Hollande pourrait s’y présenter.
Étonnant,
non ? Annoncer dès maintenant une primaire à gauche à laquelle Hollande serait
candidat tout en continuant à être le chef de l’État…
Prématuré
assurément. Le président lui-même répète qu’il ne pourra envisager d’être
candidat à son renouvellement que s’il obtient des résultats en matière de
chômage, de croissance et de déficits. Une probabilité aussi forte que de
gagner le gros lot de l’euromillion.
Inapproprié
de surcroît, comme disent les anglo-saxons pour parler d’un comportement
inconvenant. Un ministre qui annonce que le président en exercice devra se
soumettre à une primaire…
Personne
ne croit évidemment qu’il a fait cette déclaration
de sa propre initiative. Le ballon d’essai vient, à n’en point douter, de
Hollande lui-même. Essayons de comprendre.
Le
message ainsi adressé est que la gauche risque bien de ne pas être présente au
second tour de la présentielle. Pas tant à cause de Hollande (c’est ce qu’ils
disent) mais en raison de la poussée historique du front national. Marine Le
Pen qualifiée il ne restera plus qu’une place. Il faut donc que le candidat de
gauche soit devant Sarkozy ou tout autre candidat de droite. Pour cela il y a
une condition sans doute pas suffisante mais incontestablement nécessaire :
l’union de toute la gauche avec un seul candidat dès le premier tour. Pour
Hollande, évidemment ce candidat ne peut être que le président sortant. Pas
bête !
Naïf ?
Au PS cela parait envisageable mais il faudra convaincre les frondeurs. Les radicaux, c’est possible, mais les écologistes ? On sait que Dufflot est déjà sur les
starting blocks pour la présidentielle. Quant à la gauche de la gauche, c’est
plutôt le trop plein; même entre eux ils ne parviendront pas à organiser une
primaire.
Alors
un peu de buzz pour rien ? Nous ne le croyons pas. Nous pensons, au
contraire, que c’est sérieux, plausible et important.
Parce
que Hollande a les moyens de contraindre toute la gauche à accepter une
candidature unique au premier tour.
Le
Figaro de ce jour titre : « Élections 2015 : la grande peur
des socialistes. » Mais il y a bien pire que ces élections locales. Si le
candidat de gauche est éliminé dès le premier tour combien croyez-vous qu’elle
perdra de députés à la législative qui suivra ? 100, 150, 200 ?
Souvenons-nous qu’en 1993 (sous la présidence de Mitterrand tout de même) le PS
était revenu avec 57 députés ! Le scrutin majoritaire est impitoyable.
C’est
justement là-dessus que repose la stratégie de Hollande. Avec le scrutin actuel,
à gauche, c’est le chômage pour tous. Donc il va nous refaire le coup de
Mitterrand en 1986 : la proportionnelle intégrale départementale. Cela ne
donnera pas la majorité à la gauche mais limitera les pertes et privera la
droite elle-même de la majorité absolue.
Prenons un exemple. Soit un département
avec 3 députés. Aujourd’hui, pour avoir un député il faut que dans au moins une
circonscription le candidat PS obtienne plus de 50 % des voix au second tour ce
qui, au vu des estimations actuelles, ne sera pas souvent le cas. Avec la proportionnelle
au niveau du département, même si la liste PS n’arrive que troisième elle aura
un député. Voilà l’idée.
Hollande
est donc en train de dire : si vous êtes prêts à me choisir comme candidat
unique de la gauche je fais la proportionnelle et beaucoup d’entre vous
pourront être réélus. Surtout si vous êtes influents dans votre parti puisque c’est
lui qui établira les listes et les têtes de listes. Si vous ne le voulez pas,
préparez votre dossier pour Pôle emploi.
Difficile
de refuser d’autant plus que la proportionnelle est l’exigence prioritaire des
verts, des rouges et même des centristes depuis les débuts de la Vème
République.
Politique
fiction ? Pures supputations ? Nous prenons le pari. Attendons
seulement les déroutes annoncées aux départementales puis aux régionales de
2015.
Rendez-vous
est pris.
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