Il y a trois
ans la gauche remportait les sénatoriales et s’emparait de la présidence de la
seconde assemblée.
François
Hollande, à l’époque candidat à la primaire socialiste, s’empressait de
célébrer "la gauche majoritaire dans cette haute assemblée" en parlant d’un "événement historique".
Il précisait que "ce serait pour le prochain président de la
République, s'il est de gauche, un sérieux atout", et il ajoutait avec gourmandise que c'était pour Nicolas Sarkozy
"un échec sérieux, pour ne pas dire grave". Dieu que la
victoire est belle ! La haute assemblée était alors une prise de choix
pour la gauche et personne ne trouvait la moindre disgrâce à la mariée…
En politique,
ce que l’on dit un jour finit souvent par se retourner contre soi-même.
Tout le monde sait qu’une large
victoire aux élections municipales garantit dans la foulée une seconde victoire aux
sénatoriales suivantes. Logique, puisque les "grands électeurs" émanent essentiellement des conseils municipaux. C'est ce qui s'est passé en
2011 au profit des socialistes et c'est qui vient d'arriver dimanche dernier à
la droite redevenue majoritaire au sénat après sa
récente victoire aux municipales.
Mais la gauche ne l’entend pas de
cette oreille. Quand elle gagne, elle glorifie le "socialisme municipal", quand elle
perd elle traite le Sénat d’"anomalie démocratique" …
Bien entendu, Hollande président ne peux se permettre de mettre en cause la
victoire de la droite et la légitimité du Sénat. Mais d'autres dans son camp
vont s'en charger. Sur France Inter, Alexis Bachelay (député des Hauts de
Seine) critique cette "institution anachronique" qu'est le Sénat: «Je
suis très déçu en tant que député de constater qu'il n'y a pas de vrai débat ni
d'enrichissement des textes entre le Sénat et l'Assemblée.» Avec ses amis du
collectif "Cohérence Socialiste" (*) il plaide pour une suppression
de la haute assemblée ou, à défaut, pour une profonde réforme. «Le Sénat est un
peu enkysté par son mode d'élection : c'est une assemblée de notables. Et au
fond, le Sénat est par essence très conservateur (…) On ne comprend pas à quoi
sert la chambre haute, notamment par rapport à son mode d'élection et de
représentation. »
Il y a trois ans, la gauche avait
semblé réconciliée avec le Sénat, comme Mitterrand une fois président l'avait été avec la Vème
République qu’il avait pourtant vilipendée lorsqu’il était dans l'opposition.
Il en va de même avec le mode de scrutin majoritaire pour l'élection des députés qui
n'est justifié que lorsque la gauche est au pouvoir et assure au parti
socialiste une large majorité. Aujourd’hui, dans le plus grand secret, l'Élysée
concocte une réforme radicale du mode d'élection des députés. L’idée serait
d’en ramener le nombre de 577 à 400 et d’instaurer la proportionnelle intégrale
au niveau départemental (ou régional, les ordinateurs de la Place Beauvau tournent
en permanence pour trouver la martingale). D'après les experts du président ce
serait le meilleur moyen d'empêcher la droite d'avoir la majorité absolue si (d'aventure…)
cette dernière remportait la prochaine présidentielle. Intox ? Souvenons-nous que
Mitterrand avait instauré la proportionnelle intégrale en 1986. Il s'en était
fallu de quelques sièges pour qu’il ne parvienne à éviter la cohabitation mais
35 députés FN étaient rentrés dans l'hémicycle...Nous prenons ici le pari qu'il
se passera quelque chose de ce genre avant 2017.
Mais revenons aux Khmers roses qui
éliminent tous ceux qui s’opposent à eux. Nos amis de "cohérence
socialiste" ont, en effet, une autre proposition: "supprimer le poste
de premier ministre pour améliorer la cohérence gouvernementale" !!! Ils
n’ont pas apprécié la nomination de Valls, alors ils veulent l’éliminer...
Autre proposition : ramener le
nombre de députés à 400. Tiens, tiens, que disions-nous déjà ? 400, comme à l’Elysée… Curieuse
coïncidence !
On pourrait sourire et penser que nous
avons affaire à quelques farfelus. On aurait bien tort. Souvenons-nous de ce
qui vient de se passer avec le projet de réforme territoriale ? Hollande
redessinant les régions avec quelques intimes sur un coin de table et modifiant
le projet pour ne pas fâcher quelques barons: Ségolène veut fusionner la région
Poitou-Charentes avec les Pays de
Loire ? Il en sera ainsi fait. Le Drian veut conserver le statu quo en Bretagne
et éviter la fusion avec les Pays de Loire ? Eh bien, soit. Martine menace
des pires représailles si on rattache sa région, le Nord-Pas-de-Calais, avec la
Picardie? On cède.
Soyons clairs: la réforme du Sénat est
sûrement nécessaire, comme la réforme territoriale. De même qu’instiller un peu
de proportionnelle à l'assemblée nationale n’est pas une mauvaise idée. Mais ces
sujets sont au cœur de notre démocratie. Cela mérite donc réflexion,
concertation et transparence. Et consultation du peuple français.
Voir quelques irresponsables, et un
président dont on ne peut pas dire qu’il jouisse de la confiance des français,
jouer avec les institutions de la République comme s'il s'agissait d'une boite
de Lego, et prétendre couper toutes les têtes qui ne leur reviennent pas, cela
fait peur…
Il avait dit République exemplaire ?
République de combines électorales et de coups politiques plutôt.
(*)Le collectif "Cohérence
socialiste" a été fondé en juillet 2014. Il a publié en août, lors de l’université
d’été de La Rochelle, un ouvrage intitulé : "Contre la mort de
la gauche". Des frondeurs ? Que nenni. Ses 4
fondateurs appartiennent à la hollandie. Alexis Bachelot, suppléant de Fabius,
est devenu député à l’entrée de ce dernier au gouvernement ; il était
membre de l’équipe de campagne de Hollande. Valérie Rabault est la rapporteure
générale du budget à l’assemblée nationale. Karine Berger a participé à
l’élaboration du programme du candidat Hollande; elle est secrétaire nationale
du PS à l’économie. Yan Galut a récemment voté la confiance à Manuel Valls.
Bref, de bons petits soldats à la sauce hollandaise…
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