Les étudiants infirmiers ne sont pas
contents. Depuis le 1er mars, les cliniques ne leur offrent plus de stages
alors qu’ils sont indispensables à l’obtention de leur diplôme. Pourtant, les cliniques
privées accueillent, traditionnellement, les stagiaires en masse : 35.000
étudiants infirmiers, chaque année, sur un total de 90.000. Comment est-ce
possible ?
Le coupable est le CICE, le crédit
d’impôt pour la compétitivité et l’emploi dont nous avons déjà parlé. A priori,
on ne voit pas très bien le rapport, au contraire, même, puisque l’un des
objectifs du CICE est de favoriser la formation.
Mais le gouvernement vient de décider
de baisser les tarifs des cliniques privées. Ces tarifs déterminent les sommes
versées par l’assurance maladie à chaque établissement de santé, selon la
nature des actes réalisés. S’agit-il d’un effort demandé au secteur de la santé
pour contribuer au rétablissement des comptes publics ? Il faut croire que
non puisque cette baisse ne s’applique qu’aux cliniques et pas aux hôpitaux.
L’explication est donnée par le ministère : « elles se voient appliquer un
dispositif de reprise progressive (sic !) du bénéfice du crédit d'impôt
compétitivité (CICE). » Pas suffisamment clair ? Alors voilà : Le
CICE, qui est, par définition, un crédit d’impôt, ne profite qu’à ceux qui
payent des impôts, donc aux cliniques privées mais pas aux hôpitaux. Crise de
jalousie de ces derniers qui y voient une « concurrence déloyale »…
Du coup, la Fédération de l’hospitalisation privée se venge sur les élèves
infirmiers. Elle n’est pas belle la France ?
De quoi se poser quelques questions.
D’abord, nous sommes un peu surpris de
cette notion de concurrence entre deux types d’établissement de soins financés
par la sécurité sociale. On croyait nos hôpitaux surchargés…
Ensuite, on pensait avoir bien compris
la leçon sur le CICE (cf. notre chronique : http://www.francois-2.com/2014_02_11_archive.html). Pour faire
simple, il s’agit de baisser les charges des entreprises qui engagent des
dépenses contribuant à améliorer leur compétivité par de l’investissement, de la
formation, de la recherche ou de l’innovation. Ce qui est bien le cas des
cliniques et personne ne conteste leur droit de bénéficier du mécanisme. Mais
il y en a que ça décoiffe. Vous vous rendez compte, des capitalistes qui gagnent
de l’argent sur le dos des malades ! Cadeaux aux riches ! Il ne
faudrait pas nous confondre avec Sarkozy…
Comme nous sommes en France et que
nous ne manquons pas de professionnels de haut niveau es-fiscalité (non, non,
nous ne pensons pas à ce célèbre propriétaire de clinique du cuir chevelu, devenu
génie budgétaire…), on a trouvé la solution. On ne touche pas au CICE, trop
compliqué. On baisse les tarifs des cliniques. Dans une République exemplaire on
appellerait cela de l’abus- ou du détournement- de pouvoir. Comme nous sommes
en France, on parle d’ordre juste. Mais, en réalité, l’État ne vient-il pas de
faire ce que tout le monde redoute de la part des grandes entreprises et de la
grande distribution : abuser de sa position dominante pour capter, à son
profit, le supplément de marge dégagé par le CICE ? Comment pourra-t-on,
alors, le reprocher à Carrefour ?
Pour être franc, nous
ignorons totalement dans quelle situation financière se trouvent nos cliniques
et si les tarifs de la sécu sont trop ou pas assez élevés. D’ailleurs, c’est
bien là, et là seulement, que devrait résider la question et non dans des
arrières pensées politiques.
Ce qui nous parait grave, c’est cette addiction
à la "clé de 12" de nos politiques qui, sitôt une réforme posée,
commencent à la bricoler avec des motivations
essentiellement idéologiques.
De grandes manœuvres se déroulent en
ce moment sur les champs de la compétitivité et de l’emploi dans le cadre de
pactes de confiance et de responsabilité. Déroger aux principes dès leur mise
en application, est-ce cela la responsabilité ? Et reprendre d’une main ce
que l’on a donné de l’autre est-ce une bonne manière d’inspirer la confiance ?
La baisse des charges a un seul
objectif : inciter les entrepreneurs à embaucher. Mais si l’on change sans
cesse la règle du jeu, comment avoir confiance ? Si les cliniques avaient
l’intention d’embaucher, c’est raté. Quant à tous les autres, ils auront
compris la leçon.
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