« Vers l’Orient compliqué, je volais
avec des idées simples », écrivait Charles de Gaulle dans ses Mémoires de
Guerre. Le moins que l'on puisse dire c'est que la France, aujourd'hui, n'a pas
des idées simples sur l'Afrique et qu'elle aurait besoin de quelques séances de psychanalyse collective pour se libérer de ses culpabilités obsessionnelles.
Lors de la convention d'investiture le désignant candidat du PS à la présidentielle, le 22 octobre 2011, Hollande avait déclaré : « La France répudiera sans regret les miasmes de ce qu’on appelle la françafrique. » Dans ses "60 engagements pour la France", il évoquait les relations qu'il entendait entretenir avec l'Afrique : « Je romprai avec la Françafrique, en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité.»
Lors de la convention d'investiture le désignant candidat du PS à la présidentielle, le 22 octobre 2011, Hollande avait déclaré : « La France répudiera sans regret les miasmes de ce qu’on appelle la françafrique. » Dans ses "60 engagements pour la France", il évoquait les relations qu'il entendait entretenir avec l'Afrique : « Je romprai avec la Françafrique, en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité.»
Au fait, c'est quoi la françafrique ?
Écoutons de nouveau François Hollande,
à Dakar, le 12 octobre 2012 : « Le temps de la françafrique est
révolu : il y a la France, il y a l'Afrique, il y a le partenariat entre la
France et l'Afrique, avec des relations fondées sur le respect,la clarté et la
solidarité. » Et d'annoncer qu'il comptait bien « refermer la longue
parenthèse de ces réseaux d'influence qui, depuis les années 1960, mêlaient
politique, affaires et affairisme dans les relations entre Paris et ses
anciennes colonies ...»
Voilà une idée simple qui est devenue
une idée simpliste, comme la suite le montrera .
Pourtant, sur ce sujet, et c'est
suffisamment rare pour être signalé, il n'a fait que mettre ses pas dans ceux
de son prédécesseur. Comme lui, le candidat à la présidentielle de 2007
avait annoncé la fin de la françafrique et s'était engagé à démanteler les
« réseaux d'un autre temps...les émissaires officieux...les
complaisances... les secrets », dénoncé le « mythe qui prête à la
France la faculté de redresser les situations, de rechercher des intérêts
économiques que nous n'avons pas et d'être capables d'assurer la stabilité ou
de créer l'instabilité dans un pays. »
Lui aussi s'était engagé dans sa
campagne (discours de Cotonou, le 19 mai 2006) à « favoriser le
développement des pays pauvres ... en cessant d’aider les gouvernements
corrompus... On ne fera pas bouger les choses par le seul tutoiement entre le
chef de l’Etat français et ses homologues du continent, mais par la conscience collective
d’un intérêt commun ».
Sarkozy-Hollande, même combat. Et une
fois au pouvoir? Ils ont cultivé, de la même façon, les symboles...
En 2010, Sarkozy tenait son premier
sommet France-Afrique, le 25ème du genre, à Nice. On l'avait appelé "Le
sommet Afrique-France" !
En 2013, Hollande a tenu son premier
sommet, le 26ème, à Paris. On l'a appelé "Le sommet de l’Elysée pour la paix
et la sécurité en Afrique" !
On l’aura compris: la françafrique,
c'est une question de vocabulaire.
Sarkozy est donc intervenu en côte d'Ivoire pour chasser Gbagbo puis en Lybie pour abattre Kadhafi. Hollande a envoyé l'armée au Mali pour sauver un régime issu d'un coup d'état et en RCA dont le président est un (ex ?) rebelle. Françafrique ? Que nenni…
Sarkozy est donc intervenu en côte d'Ivoire pour chasser Gbagbo puis en Lybie pour abattre Kadhafi. Hollande a envoyé l'armée au Mali pour sauver un régime issu d'un coup d'état et en RCA dont le président est un (ex ?) rebelle. Françafrique ? Que nenni…
Certes, dans tous les cas, il y avait
urgence humanitaire et ces actions militaires ont certainement évité de
véritables massacres. Mais ce sont indiscutablement des opérations de police (ou
de gendarmerie puisque la France reste bien, quoi qu’elle en dise, le "gendarme
de l'Afrique") et, à l'exception de Lybie où nous avons agi avec les
britanniques, nous avons mené ces opérations seuls. Avec l'accord des
Nations Unis, et des africains eux-mêmes, mais seuls. On nous a prêté quelques
heures d'avions gros porteurs et octroyé quelques subsides symboliques. Rien de
plus.
Bien sûr, nous avons obtenu le soutien
militaire de forces africaines mais ce n'est pas leur faire injure que de
douter qu'elles puissent, à échéance prévisible, remplacer les troupes
françaises.
Donc, seuls et pour longtemps, quoi
que l'on en dise.
Eh bien, soit, assumons !
Parce que nous avons un passé africain
(inutile d'ajouter "lourd") et que notre avenir dépend largement de
notre influence en Afrique.
Parce que, pour une fois, nous avons
un avantage comparatif par rapport aux autres grandes puissances.
Parce que, avec ses 2,5 milliards
d'habitants en 2050, ce continent sera notre Nouvelle Frontière.
Parce que les mouvements migratoires
ont jeté un pont durable entre l'Afrique et nous (comme c'est le cas entre le Mexique et
les États-Unis, qui s’en accommodent bien…).
La phrase du Général de Gaulle sur
l'orient se poursuivait ainsi : « Je savais, qu’au milieu de facteurs
enchevêtrés, une partie essentielle s’y jouait. Il fallait donc en être. »
L'Afrique, aussi, est compliquée mais
comment la France pourrait-elle ne pas en être ? Il lui faudra simplement
se débarrasser de ses vieux complexes et assumer ses responsabilités et ses
intérêts. Nous avons besoin de l'Afrique. Ça tombe bien, parce qu'elle a besoin de
nous.
Contrairement à ce que l'on pourrait
penser notre plaidoyer en faveur d'une Françafrique dépouillée de ses oripeaux
honteux, évidemment rénovée, assainie et décomplexée (il faut se souvenir
que l'expression a été inventée par Houphouët-Boigny, au moment des
indépendances, pour justifier un étroit partenariat entre la France et ses
anciennes colonies) ne vaut pas approbation béate de l'intervention militaire
en Centrafrique.
Elle nous paraît, au contraire,
malvenue car à la fois trop tardive, compte tenu de la dégradation de la
situation, et prématurée, du fait de l'absence de vision claire sur
l'objectif politique.
Elle est surtout dangereuse, au moins
pour deux raisons : il s’agit essentiellement de combats urbains dont
l’issue est toujours problématique ; ils mettent en présence des
communautés ethniques et religieuses antagonistes, ce qui engagerait notre
responsabilité si les massacres se généralisaient.
Elle est assurément onéreuse, sans
doute inutile et probablement sans issue satisfaisante. Qui peut imaginer, en
effet, qu’il suffira de désarmer quelques combattants et que la France pourra
ensuite retirer ses troupes en laissant un havre de paix ? Dans une
chronique du 2 février 2013, nous avions émis les plus grands doutes sur
l'opération au Mali, du moins dans sa séquence reconquête du nord (*): cela ne
nous fait pas plaisir de le constater mais notre armée est toujours sur place
et on dit maintenant qu'elle y restera "le temps nécessaire".
Le dispositif Épervier est toujours
déployé au Tchad, depuis 1986. Sarkozy voulait réduire la présence militaire de
la France en Afrique mais, malgré certains ajustements (réduction à Djibouti
pour permettre un renforcement en Côte d'Ivoire), nous avons toujours des
hommes et/ou des avions dans de nombreux autres pays que nous nous
abstiendrons de citer ici...
Sans doute n'avions-nous pas d'autre
choix que d’intervenir au Mali et en RCA. Mais pourquoi jouer avec les mots et prendre
des engagements qui ne seront pas honorés ? Pourquoi ne pas avoir organisé un
vaste débat national, transparent, sur notre politique africaine ? Pourquoi des
interventions décidées au dernier moment, sans véritable concertation interne
préalable ni implication concrète de l'Europe ? Pourquoi ne pas parler aux français comme à des adultes, sans leur raconter d'histoires improbables ?
La guerre n'est pas un jeu dont un
seul homme fixe les règles.
(*) « Seulement voilà, c’est
maintenant que les difficultés commencent vraiment. Rester, c’est redevenir le
gendarme de l’Afrique. Partir, c’est se faire le complice d’un inévitable
déchainement de violences de part et d’autre. » http://www.francois-2.com/2013/02/hollande-nike.html
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