Dans la Rome
antique, lorsque l’on célébrait le triomphe d’un général vainqueur, un esclave se
tenait derrière qui répétait sans cesse « memento mori », pour lui éviter l’ivresse
du pouvoir.
« Souviens-toi
que tu es mortel », le moment parait peut-être venu d’adresser le même message
au Président Hollande : attention à l’excès de confiance et à la
tentation du guerrier.
Certes, l’intervention
au Mali bénéficie toujours d’un très large soutien mais des interrogations
pointent sur les objectifs et la stratégie.
Autant la
décision d’arrêter l’avancée des terroristes vers le sud du Mali et de défendre
Bamako, la capitale où vivent plus de 6000 français, a été logiquement saluée,
autant l’éventualité d’une guerre de reconquête du nord par les troupes
françaises parait très aventureuse. Aucune annonce claire n’a encore été faite
sur le but final de cette opération que l’on n’hésite plus à qualifier de
guerre. C’est peut-être de bonne …guerre, s’il s’agit de terroriser les
terroristes, mais de nombreux signes laissent penser que cette hypothèse est sérieusement
envisagée : la reconnaissance désormais officielle de troupes combattantes
au sol, la montée en puissance des effectifs engagés (bientôt 3000, dit-on) et la
sophistication du matériel utilisé.
Le risque
serait énorme, les chances de succès infimes et le coût budgétaire insoutenable
face à un ennemi aguerri, bien armé et, surtout insaisissable dans un théâtre d’opérations
quasiment infini.
Nous
terminions notre précédente chronique sur ce mot : « seul ».
L’adjectif s’appliquait alors au président nouveau qui se trouvait confronté à
la solitude du pouvoir suprême. Mais force est de constater qu’il s’applique
également à la France. On a beau dire, on a beau faire, la France aujourd’hui est
seule.
Certes, elle
combat aux côtés des forces maliennes. Mais on pouvait souhaiter meilleur allié.
Qui aurait cru, après tout ce qui a été dit sur la « françafrique »,
que nous volerions au secours d’un régime issu d’un coup d’état, avec un président intérimaire non élu et sous
surveillance des putschistes. Sait-on que leur chef, le capitaine Sanogo a,
il y a un mois seulement, arrêté et contraint à la démission le premier ministre ?
Rassurons-nous, il a bien voulu « remercier la France pour l’entrée en
guerre contre les islamistes aux cotés de l’armée malienne ». Pourrons-nous
éviter la maudite ingérence afin d’imposer un processus démocratique au sud et des
négociations avec les tribus touareg au nord ? On ne peut pas dire
que nos arrières soient véritablement assurés.
Nous aurons
bientôt le renfort des forces armées des pays voisins ? C’est politiquement
important, essentiel même, mais cela change-t-il vraiment la donne sur le
terrain ? Il s’agit d’armées mal entrainées, sous-équipées, dénuées de
logistique et sans véritable expérience du combat dans le désert. Difficile d’espérer
qu’elles soient en mesure, à court terme, de prendre la relève.
Nous avons le
soutien de l’Europe et des Etats unis ? Assurément. C’est important de se
sentir soutenu. Comment se manifeste-t-il ? Un peu de logistique et du
renseignement. Des hommes ? Que nenni. De l’argent ? Pas un fifrelin.
Aucun risque que l’on nous vole la vedette.
Au total, pas
de quoi sombrer dans l’ivresse du conquérant victorieux. C’est à juste titre
que Hollande tire profit politique de son action courageuse et enregistre une remontée
de sa cote de confiance. Il ne faudrait pas toutefois que cette euphorie
sondagière l’entraine vers de dangereuses aventures désertiques.
Il faudra
bien, enfin, démontrer la cohérence de notre action diplomatique dans les pays
confrontés à l’extrémisme salafiste. Il n’est, en effet, pas simple d’expliquer
notre retrait d’Afghanistan alors que personne ne peut raisonnablement prétendre
que le danger taliban est écarté, qu’au Mali nous combattons les « terroristes »
(1) et qu’en Syrie nous soutenons les insurgés qui se revendiquent islamistes.
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