On en aura beaucoup moins parlé que de la
mort de Thierry Rolland mais nous avons eu à déplorer une autre disparition ces
jours derniers, celle des fameux eurobonds, enterrés par François Hollande
lui-même. En toute intimité.
Pourtant cela ressort clairement du document
adressé par la France à ses partenaires européens en vue du sommet des 28 et 29
juin, qui s’intitule « Pacte pour la croissance en Europe » (dévoilé
par le JDD).
Enfin, clairement n’est pas le mot
juste. Hollande continue de l’évoquer mais … pour plus tard, quand les
conditions seront réunies. En attendant, il se contentera d’une « feuille
de route pour les dix prochaines années ». Dix ans, deux mandats…
Certes, il réclame toujours des
mesures en faveur de la croissance. Il en a même chiffré le prix : 120
milliards. Impressionnant ! Bon, c’est nettement moins que ce que l’on a
donné à la Grèce. Réparti entre tous les pays, cela est encore moins
impressionnant : à peine 1% du PIB européen et, selon les experts, de 0,1 à
0,2% de croissance en plus. Mais c’est toujours ça…
On peut évidemment se demander comment
on fait pour mobiliser 120 milliards.
En fait, c’est tout simple, cela ne
coutera rien. Il suffit de les prendre là où ils sont :
-55 milliards de fonds structurels. Ce
sont des ressources de l’Union européenne destinées à investir dans les régions
les plus pauvres d’Europe. Les pays les plus riches, en passe de le devenir
moins, en profiteront donc.
-60 milliards proviendront de prêts de
la Banque européenne d’investissement (BEI). Financer l’économie c’est ce
qu’elle fait déjà. Pour lui permettre d’emprunter ces 60 milliards, son capital
sera augmenté de 10 milliards (c’est cela l’utilité d’une banque…). Ce n’est
pas énorme pour 27 Etats mais, rassurez-vous, souscrire n’est pas verser. Il ne
faudra payer que si la Banque connaît des difficultés. Pour l’instant, elle est
triple A.
-4,5 milliards de « project bonds ». Non, nous n’avons pas dit
eurobonds. Ces derniers, en effet, sont un moyen de mutualiser la dette des
Etats (objectif à dix ans, comme on l’a vu…). Les project bonds, que l’on
surnomme les « bébés bonds », sont simplement un mode de financement des
entreprises pour de grands travaux. Sans entrer dans les détails, il s’agit
encore d’utiliser la BEI.
Par ailleurs, le mémorandum français réclame,
à nouveau, la taxe sur les transactions financières dont le produit pourrait
être affecté au budget européen et au soutien de la croissance.
Ces demandes sont-elles
réalistes ? On peut le croire puisque toutes ces mesures ont déjà été
préparées par les services de la Commission de Bruxelles, à la demande de
…Sarkozy et Merkel. La taxation des transactions financières elle-même a été
introduite en France (Hollande veut en augmenter l’assiette) et Merkel vient de
la promettre au SPD en contrepartie de son accord sur le pacte de stabilité
budgétaire. Rappelons que les socialistes allemands ont également approuvé
l’inscription de la règle d’or dans la constitution. De vrais amis !
En revanche, il n’y a pas que les
eurobonds qui sont renvoyés aux calendes …grecques, il y a aussi une autre
exigence de Hollande, l’extension des missions de la Banque centrale (BCE) afin
de lui permettre d’acheter la dette des Etats. Pour cela il faudra attendre ce
que l’on appelle l’Union budgétaire et l’Union bancaire, le fédéralisme en
sorte. Dans dix ans ?
Au total, que penser de cette nouvelle
position française ? Certains trouveront sans doute que notre façon de
présenter les choses est injustement ironique. Mais nous écrivons depuis des
mois (*) que les conditions posées par Hollande n’étaient pas réalistes,
seulement électoralistes. C’est ce qui est en train d’arriver. Tant mieux.
Et l’on doit relever, une
nouvelle fois, son habileté politique. Qui mesurera les reculades ? Ce que l’on retiendra,
c’est le mot croissance et l’on fera mine de croire qu’il en est l’initiateur.
Il faut s’en féliciter car ce message à l’égard des populations inquiètes et
touchées par la crise est nécessaire. Il est vrai que l’on ne peut pas ne
parler que de rigueur sans donner au
moins un espoir de croissance.
Alors, on le signe ou on ne le signe
pas le pacte budgétaire ? Il faut se décider maintenant.
C’est toujours pareil les lendemains
de fête, il faut commencer à démonter les décors. E finita la comedia…
(*) Voir notamment :
« Questions pour le champion », Douzième question :
Ainsi que : « Désunion
européenne » :http://www.agv-solferino2012.com/2011/12/desunion-europeenne.html
Et « Le cadeau de Noel de
Hollande » : http://www.agv-solferino2012.com/2011/12/le-cadeau-de-noel-de-hollande-suite.html
Enfin, sur les eurobonds : http://www.agv-solferino2012.com/2011/08/cela-merite-reflexion-chapitre-2.html
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